En réponse à la chronique de Francis Vailles, « Bonnes et mauvaises nouvelles sur le décrochage », publiée le 24 janvier.

Dans une chronique publiée le 24 janvier, Francis Vailles fait état des données les plus récentes de Statistique Canada concernant les taux de diplomation au secondaire des provinces canadiennes.

M. Vailles compare ces données à celles publiées par l’Institut du Québec (IDQ) au printemps 2018, et qui brossaient un portrait plus inquiétant des taux de diplomation au Québec. (Les données en question provenaient de Statistique Canada, qui utilisait une autre méthodologie à l’époque.)

D’entrée de jeu, nous saluons l’attention que M. Vailles porte aux enjeux de l’éducation. La qualité, la performance et l’équité de notre réseau scolaire jouent un rôle déterminant dans l’avenir du Québec, et les analyses qui enrichissent notre compréhension de ces questions devraient être considérées avec ouverture. C’est le principe qui nous anime. Les contributions de M. Vailles vont également dans ce sens. Toutefois, quelques précisions s’imposent concernant sa chronique du 24 janvier.

M. Vailles réfère abondamment aux chiffres contenus dans notre étude de mai 2018, mais il omet de mentionner notre rapport de septembre 2019, sur la qualité de l’enseignement qui reprend et publie spécifiquement – à la première page de la première section – les nouvelles données de Statistique Canada sur les taux de diplomation des provinces. Il nous semble donc important de dissiper l’impression que la chronique a pu laisser planer, à l’effet que l’IDQ n’avait pas pris acte de la nouvelle méthodologie, et rappeler que nous avons diffusé et analysé les nouveaux chiffres il y a plus de trois mois.

Trois bémols

Ces chiffres améliorent effectivement le portrait de la diplomation au Québec, ce dont il faut a priori se réjouir. Cela dit, en plus de l’écart important entre les garçons et les filles (que M. Vailles souligne à juste titre), trois bémols devraient tempérer notre enthousiasme.

Premièrement, avec 75 %, le Québec demeure dernier au Canada pour le taux d’obtention « du diplôme et de qualification d’études secondaires dans les délais normaux », sept points de pourcentage derrière l’Ontario. En vertu de la nouvelle méthodologie, l’écart avec l’Ontario est moins important qu’auparavant, essentiellement parce que les statistiques incluent désormais les écoles privées. Leur inclusion fait bondir les résultats du Québec, sachant que les élèves du privé sont proportionnellement beaucoup plus nombreux au Québec qu’en Ontario, et que ces derniers ont de bien meilleurs taux de diplomation (89 %) que les élèves du public (64 %). Si on comparait uniquement les réseaux publics, les résultats du Québec seraient donc significativement inférieurs.

Deuxièmement, les statistiques amalgament les diplômes d’études secondaires et les qualifications. Or, comme nous l’écrivions dans notre rapport de septembre dernier, les qualifications ne servent qu’à préparer les élèves ayant des difficultés d’apprentissage à intégrer le marché du travail, sans égard à leurs résultats scolaires. Ces qualifications ne permettent pas d’accéder aux études postsecondaires et n’attestent pas d’un niveau de maîtrise des contenus.

En excluant les qualifications, le taux de diplomation dans les délais des réseaux publics et privés au Québec est de 69,3 %. En Ontario, la donnée la plus comparable est de 81,2 % – une différence de près de 14 points de pourcentage.

Finalement, si on peut évidemment se réjouir du taux plus élevé de « raccrocheurs » – soit les personnes qui finissent par obtenir un diplôme ou une qualification dans leur vie –, il serait intéressant de mesurer les conséquences socioéconomiques de ces parcours rallongés pour les élèves. À défaut d’avoir complété une revue de littérature sur le sujet, le bon sens suggère que le parcours personnel et professionnel d’un jeune qui obtient son diplôme d’études secondaires à 16 ans diffère passablement de celui d’un adulte qui obtient une qualification à 30 ans.

Comme tous les Québécois, nous nous réjouissons des progrès du Québec en matière d’éducation ou autre. Tant mieux si les derniers chiffres de Statistique Canada donnent un portrait plus fidèle de la réalité québécoise. La prudence commande toutefois de bien mesurer la portée et la signification des chiffres, pour consacrer nos énergies aux améliorations réelles.

Réponse de Francis Vailles :

Nous partageons le même désir de nourrir le débat et je vous remercie donc pour vos commentaires pertinents. On pourrait faire mieux, je vous l’accorde, mais vos observations perpétuent, à mon avis, la fausse perception de médiocrité de notre système d’éducation.

La comparaison de systèmes fort différents exige bien des nuances. Contrairement au Québec, par exemple, les élèves ontariens n’ont pas à réussir un examen ministériel dans les cinq principales matières pour obtenir leur diplôme. La diplomation est laissée à la discrétion de chacune des 76 commissions scolaires, ce qui rend leurs données discutables. À cela, il faut ajouter la note de passage fixée à 50 % en Ontario, contre 60 % au Québec, ce dont j’ai déjà parlé.

Ces différences ne sont pas anodines. Quand l’Ontario vérifie les compétences de ses élèves en mathématiques au moyen d’un examen uniforme, elle obtient des résultats inquiétants. Par exemple, seulement 44 % des élèves anglophones ontariens inscrits en mathématiques appliquées en 9e année (3e secondaire) atteignent la norme attendue. Ceux inscrits en mathématiques théoriques font mieux, avec un taux de quelque 84 %.

Pendant ce temps, au Québec, le taux de réussite dans les trois programmes de maths à l’épreuve ministérielle de 4e secondaire varie entre 69 % et 91 % au public et entre 87 % et 98 % au privé, selon les plus récentes données.

Malgré tout, les élèves de l’Ontario sont bien plus nombreux à obtenir leur diplôme dans les délais, selon vos données (81,2 %), même si la réussite des maths est obligatoire pour le diplôme. N’est-ce pas curieux ?

Statistique Canada avertit justement qu’il faut être prudent dans la comparaison des taux de diplomation entre les provinces, car « les cheminements scolaires, les notes de passage, les exigences et les groupes d’élèves à l’étude varient d’une province à l’autre ».

Ne pas tenir compte de ces différences nous amène à dresser un portrait trop sombre de notre système d’éducation et nous incite à prendre des décisions mal avisées.

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