On s’offense pour une chose, on s’engueule pour une autre. On est offensés par une chose et le lendemain par son contraire. La rage dans l’espace internet hurle, mais est-ce qu’elle nous fait avancer ?

Le projet immersion du Service de police de Longueuil (SPAL) a déchaîné les passions et on en a retenu que nos policiers avaient été voir un imam extrémiste et que c’était scandaleux. On a oublié tous les autres qu’ils ont été rencontrer. 

Pour moi, les propos de cet imam étaient scandaleux, pas la démarche du SPAL, à laquelle j’ai d’ailleurs eu la chance de participer une seule journée, mais toute une. Les policiers voulaient que je leur parle des jeunes « de rue ». Je l’ai fait, mais je vous assure que j’ai eu beaucoup plus de plaisir à les écouter. J’ai eu beaucoup de bonheur à les entendre parler de leurs aspirations, de leurs angoisses et de tout ce qui va avec.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Dan Bigras a participé au projet immersion
du Service de police de Longueuil.

D’un côté, on traite nos policiers de tous les noms d’animaux possibles et de l’autre, on voit quelques policiers intolérants.

Je voudrais juste nous rappeler que nos policiers vivent dans notre malheur, c’est un des métiers le plus durs au monde.

Un policier intolérant ? L’intolérance vient de l’ignorance de l’autre. Faut-il insulter ce policier ? Évidemment que non, il faut l’informer. Le reste est du domaine de son libre arbitre, il assumera ses choix.

On préfère les insulter ? Après on leur dira qu’ils vivent dans leur propre monde, mais ce sera de notre faute à nous. En les insultant, on les enferme dans leur propre monde.

Des policiers répriment une manifestation ou nous donnent un ticket ? On les déteste. Ils sauvent la vie d’un animal ou aident une dame à accoucher dans une auto ? On les adore. Les policiers font avec ce qu’on leur donne.

Cet éloignement entre nos policiers et notre population est extrêmement malsain. Au-delà de nos métiers, nous sommes tous des humains. Les humains, ça fait des bons coups et des erreurs, c’est inévitable. Ce qui est moins pardonnable, c’est de ne pas fournir les informations primordiales pour que les gens se comprennent et que les policiers fassent leur travail de la meilleure façon en découvrant des réalités qu’ils ne peuvent pas toujours voir lorsqu’ils sont en intervention répressive. Les policiers travaillent avec ce qu’on leur donne ? Donnons-leur les bonnes informations.

La répression du crime est primordiale dans une société équilibrée, mais quand on sait que 70 % des appels au 9-1-1 sont maintenant des appels de détresse, on se doit d’informer nos policiers sur la diversité de ces urgences. Peut-on aussi mieux informer le public sur la vie de nos policiers ? 

Pouvons-nous tous faire mieux ? Bien sûr que oui. Une société digne de ce nom n’est pas qu’un ramassis de voisins qui vivent les uns à côté des autres. Une société, ce sont des gens qui vivent ensemble.

La foi

Je ne suis pas religieux. Je n’y crois juste pas. Paraîtrait que dieu a créé l’homme à son image, mais moi, je suis persuadé que ça a été fait en sens inverse : l’homme a créé dieu à son image et cette image n’est pas la même partout sur Terre. Nous avons des dieux très géographiques. Mais ça, c’est moi. J’ai plusieurs chums qui ont une foi profonde mais pas dogmatique, avec de belles façons de réfléchir. Je les aime et les apprécie tels qu’ils sont. 

Là où on va me perdre, c’est si, par exemple, au nom de sa « foi », un parent va refuser une transfusion sanguine à sa fille en danger de mort. Non seulement il ne sera pas mon ami, mais je souhaiterais qu’on le foute en prison pour non-assistance à petite fille en danger et qu’on lui retire la garde de ses enfants. L’endoctrinement des enfants est aussi une horreur, la foi n’est pas au-dessus du bon sens et des lois. Je déteste tous les extrémismes religieux, y compris les nôtres, à chaque fois que je les vois, mais je ne me sers jamais d’un extrémiste pour juger toute une société.

La virulence de nos propos sur les gens qui pratiquent leurs religions avec modération me semblent souvent les mêmes que nous avons sur les immigrants… et les policiers.

Ce n’est pas qu’ici, c’est une tendance mondiale qui s’inscrit dans une peur de l’inconnu et comme un exutoire d’une rage contre les différents systèmes politiques qui ne semblent pas changer grand-chose à la vraie inégalité, soit la non-répartition de la richesse et toutes les souffrances qu’elle nous inflige. La tentation est grande de tourner notre colère vers des boucs émissaires.

Il y a une joke qui circule sur les zinternets : à une table, il y a un banquier, un travailleur et un immigrant. Devant eux, 20 biscuits. Le banquier en prend 19 et dit au travailleur : « Watche ton biscuit, l’immigrant veut te le voler. » Alors on crie notre indignation quand le petit qui a besoin d’aide vole un ti-sandwich-pas-de-croûte et pendant ce temps-là on ne surveille pas le gros qui se pousse avec le buffet.

Dans mon travail d’animation à la radio, je fais souvent équipe avec Luc Lavoie. On est, euh… pas mal opposés politiquement. Je l’écris avec un sourire, mais je n’ai jamais envie de m’engueuler avec lui. Quand on voit les gens de proche, on les trouve toujours beaucoup plus intéressants.

Nous avons tous, individuellement et collectivement, nos contradictions, moi le premier. C’est parce que l’intelligence n’est jamais quelque chose de figé, de terminé. C’est le propre de l’intelligence, elle est en mouvement. Elle cherche et elle apprend.

C’est mon opinion. Il y en a d’autres, complètement opposées à la mienne et non seulement c’est très bien, mais c’est absolument nécessaire. Si on ne discute qu’avec du monde d’accord avec nous, c’est comme parler à des miroirs. Ça rassure de façon très superficielle, mais c’est clair qu’on n’avance pas. Ma seule question est : est-ce qu’on ne pourrait pas en discuter sans renier nos opinions, mais aussi sans panique, sans hurler ? Pour essayer de faire mieux ?

Ne serait-ce que pour donner l’exemple à nos policiers qui eux, nous le donnent déjà ?

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion