Dans un autre épisode de la déplorable saga découlant de l’inaptitude du Parlement fédéral à donner une suite cohérente au jugement unanime (l’arrêt Carter) de la Cour suprême du Canada, le ministre de la Justice, David Lametti, a dû se résigner à demander – et à obtenir – un troisième délai dans sa tentative de faire passer sa législation.

Il est cependant loin d’être certain que ce nouveau délai aboutira à une adoption du projet de loi C-7, la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir). Mais ce qui est certain, même si ce projet devait devenir loi, c’est que celle-ci sera aussi contestée que C-14, la Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir). Après un laborieux cheminement dans le dédale des tribunaux inférieurs, cette cause se retrouvera dans cinq autres années à nouveau devant la Cour suprême.

Entre-temps, ce sont nos compatriotes aux prises avec des douleurs et des souffrances inhumaines et persistantes qui devront endurer.

Or, le ministre de la Justice et procureur général du Canada peut mettre fin à ce triste et interminable débat. Car il a le pouvoir constitutionnel de s’adresser directement à la Cour suprême.

Ce ne serait pas un précédent.

Jean Chrétien l’a fait dans un dossier fort similaire, soit le mariage entre conjoints de même sexe. Il a réalisé qu’il n’obtiendrait jamais en Chambre un consensus significatif sur une question avec d’aussi fortes résonances sociales, religieuses et culturelles.

M. Chrétien a eu la sagesse de demander un avis préalable à la Cour suprême sur le projet de loi qu’il entendait utiliser. Par la suite, fort de l’imprimatur de celle-ci, il a fait adopter rapidement une loi qui n’a jamais été contestée.

En agissant de la même manière, le ministre de la Justice aura rapidement une réponse définitive quant à la conformité avec l’arrêt Carter des questions suivantes : le concept de mort naturelle raisonnablement prévisible, l’introduction de balises temporelles et l’exclusion de ceux souffrant de problèmes mentaux. Puisque la déchéance cognitive est une préoccupation majeure chez les Canadiens, le ministre Lametti aura sans doute la sagesse de valider la possibilité de requérir l’aide médicale à mourir par anticipation.

Bref, cinq ans après l’arrêt Carter, en faisant un renvoi direct à la Cour suprême, le ministre de la Justice non seulement peut, mais doit enfin clarifier le cadre légal de l’aide médicale à mourir. Au nom de la compassion la plus élémentaire envers nos concitoyens privés de ce soin. Pour aussi rassurer nos professionnels qui veulent le prodiguer en toute clarté juridique.

Et d’un point de vue strictement politique, cette stratégie sera applaudie au Québec alors qu’aucun parti fédéral ne saurait s’y opposer.

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