Avant la pandémie, Montréal était déjà la ville avec le taux d’insécurité alimentaire le plus élevé au Canada (13,6 %). Depuis l’application des mesures sanitaires en mars 2020 et la précarité financière qui s’en est suivie, le taux d’insécurité alimentaire au Québec est maintenant de 22 %. L’insécurité alimentaire dite grave, ce qui signifie que les personnes se voient contraintes de réduire leur consommation de nourriture pour des raisons économiques, a augmenté de 3 % à 5 % à Montréal au début de la pandémie et serait maintenant à 8 % au Québec.

L’insécurité alimentaire est avant tout un problème de pauvreté. Pour l’éradiquer, il faut s’attaquer aux causes profondes en lien avec le revenu, l’accès au logement et diverses formes de discrimination. Rappelons-nous que les prestataires de l’aide sociale, dont 70 % vivent de l’insécurité alimentaire, n’ont fait l’objet d’aucune aide financière supplémentaire depuis le début de la pandémie, alors que les prix des denrées ont augmenté de 6,5 % pour les légumes et 9,13 % pour la viande. Il y a aussi de plus en plus de personnes qui travaillent, mais qui ont des revenus insuffisants pour nourrir leurs familles convenablement.

Signe concret de la détérioration de la situation montréalaise, Moisson Montréal a augmenté de 35 % le nombre de kilogrammes de nourriture distribuée depuis avril 2020, et n’a cessé de fournir autant de denrées depuis. Les organismes de quartier qui offrent de l’aide alimentaire (boîte de denrées, popotes roulantes, etc.) ont constaté une augmentation des demandes d’aide de 40 % à 60 % comparé à la période avant la pandémie.

Le Conseil du système alimentaire montréalais participe à la cellule d’urgence régionale sur l’aide alimentaire mise sur pied par la Ville de Montréal, et a pris le mandat à l’été 2020 de produire un plan de préparation en cas d’une deuxième vague. En discutant avec les personnes qui vivent l’insécurité alimentaire et les intervenants qui les desservent, le message est clair : pour eux, la première vague n’a jamais pris fin. Ces personnes sont toujours dans l’urgence et la précarité.

Au printemps, des fonds d’urgence ont été distribués pour soutenir les organismes de quartier qui offrent de l’aide alimentaire. Ces fonds ont servi à acheter des denrées, offrir les services de livraison à domicile, recruter et encadrer des bénévoles et assurer le respect des consignes sanitaires.

Ces fonds sont aujourd’hui en grande partie écoulés, alors que les intervenants souffrent d’épuisement et que les besoins de la population demeurent exceptionnellement élevés.

En ce début décembre 2020, certains organismes ont commencé à réduire leurs services et plusieurs intervenants communautaires craignent que des banques alimentaires soient contraintes de fermer leurs portes, temporairement ou définitivement. Moisson Montréal dépend de ces organismes de quartier pour distribuer les denrées aux personnes qui vivent l’insécurité alimentaire. Ces personnes ne connaissent pas toujours des ressources alternatives lorsqu’un organisme ferme, et parfois d’autres ressources n’existent tout simplement pas dans leur quartier. Actuellement, l’ensemble du réseau de l’aide alimentaire est grandement fragilisé, notamment le maillon des organismes communautaires sans lesquels les services d’aide ne peuvent être livrés.

Au lendemain de la pandémie, nous devrons poser des actions concrètes pour nous attaquer aux problèmes structurels et renforcer la résilience de notre système alimentaire face aux crises futures, qu’elles soient sanitaires, économiques ou écologiques. Mais aujourd’hui, il y a urgence d’agir pour assurer le droit à l’alimentation de toute la population montréalaise.

D’ici à la mise en place de ces actions, nous demandons à tous les ordres de gouvernement, ainsi qu’aux bailleurs de fonds privés, de prioriser le soutien financier aux organismes de quartier qui offrent de l’aide alimentaire. Évitons que des fermetures d’organismes pendant la pandémie, en particulier durant la période cruciale des Fêtes, ne fragilisent durablement l’écosystème de la sécurité alimentaire à Montréal.

* Consultez la liste des membres du Conseil du système alimentaire montréalais

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