Le Groupe d’action contre le racisme, mis sur pied par la CAQ, a remis lundi son rapport intitulé « Le racisme au Québec : tolérance zéro ». Il promettait des actions concrètes et efficaces pour lutter contre le racisme, estimant qu’il y avait déjà eu suffisamment de commissions sur la question. Force est de constater que six mois de consultations plus tard, le Groupe n’a, en fin de compte, accouché que d’un rapport de plus, sans échéancier, cadre financier ou mesure indépendante pour en assurer le suivi.

Près de la moitié des 25 actions sont proposées spécifiquement pour les Autochtones. Or, ces actions sont en quasi-totalité copiées du rapport de la Commission sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (commission Viens), qui avait remis un rapport bien plus étoffé en septembre 2019. Il en va ainsi notamment des actions proposées en matière d’éducation, de formation ou de logement. On ne se plaindra certes pas de voir le gouvernement désireux de mettre en œuvre, un an et demi plus tard, les appels à l’action de la commission Viens… sauf qu’en mettant de l’avant certaines mesures et en en écartant d’autres, le Groupe mise sur des réformes à la pièce, évitant d’emblée les appels à l’action porteurs de changements structurels axés sur l’autonomie des peuples autochtones.

Les trois seules actions proposées par le Groupe en matière de justice le démontrent bien. D’entrée de jeu, on y déplore les difficultés liées à l’accès à la justice pour les Autochtones et on recommande donc d’augmenter le financement des organismes communautaires autochtones, de recourir de manière accrue aux rapports Gladue et d’améliorer la qualité et la disponibilité des services d’interprètes en langues autochtones.

Ces mesures d’adaptation du système étaient aussi proposées, de manière plus précise et plus détaillée, par la commission Viens.

Elles étaient toutefois encadrées par des appels à l’action visant « à soutenir la nécessaire autodétermination des Premières Nations et des Inuit », comme la documentation et la revitalisation du droit autochtone (n40), la signature d’ententes sur la création de régimes particuliers d’administration de la justice autochtone (n41) et l’élargissement des programmes de justice communautaire autochtones permettant une certaine prise en charge en matière criminelle par les communautés (nos 42 et 43). Le commissaire soulignait d’ailleurs que ces mesures porteuses d’autonomie étaient les plus importantes.

Le rapport de la commission Viens explique pourtant bien les limites d’une simple approche d’adaptation du système, préconisée à répétition et sans succès durable depuis les années 1970.

Sans une véritable collaboration de nation à nation fondée sur l’autodétermination, tel que le préconise la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, les propositions du Groupe n’auront au mieux que des effets ponctuels, sans possibilité d’altérer sérieusement le cours des choses.

En fermant les yeux sur cette vision plus large et en préconisant des actions qui n’adressent pas les aspects systémiques de la discrimination, le Groupe d’action contre le racisme s’évertue malencontreusement à creuser les ornières déjà profondes de nos relations inégalitaires avec les Premiers Peuples. C’est pourtant de nouveaux sentiers dont nous avons besoin, de voir l’ensemble de la forêt plutôt que l’arbre qui la cache, pour reprendre les termes de Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador… Et non d’un autre rapport qui répète de manière fragmentaire ce que nous savions déjà.

* Sébastien Brodeur-Girard est professeur à l’École d’études autochtones de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) et Jacinthe Poisson est professionnelle de recherche à l’Observatoire des profilages de l’Université de Montréal.

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