Vous souvenez-vous du temps où les partis politiques du Québec se définissaient principalement selon l’axe fédéraliste contre souverainiste ? Eh bien, maintenant, c’est à qui serait le plus « nationaliste ». Les chefs de partis le savent, en jouent, et ajoutent l’étiquette à leur arsenal de séduction de l’électorat. Qui l’eût cru ? Il y a maintenant surenchère nationaliste. Immigration, langue, laïcité, panier bleu, nationalisme économique : tout y est… et ça « pogne » !

En effet, la CAQ a su canaliser la ferveur nationaliste des francophones (au fait, est-ce qu’un anglophone peut être nationaliste ? Je l’ignore…), ce que certains appellent ce « vieux fond bleu ». « J’aimerais que les Québécois soient fiers », nous dit souvent le premier ministre François Legault. Avec ses projets de lois sur l’immigration, sur la laïcité et sur une refonte de la loi 101, le premier mandat de la CAQ aura débuté et se terminera sans doute sur le thème de l’identité québécoise.

Le Québec n’est donc pas différent des autres endroits dans le monde où les nationalistes identitaires gagnent du terrain et accèdent au pouvoir.

Au lendemain de l’élection de Donald Trump en 2016, The Economist, dans un article intitulé « A League of Nationalists », faisait observer le phénomène : celui d’un nationalisme plus ethnique basé sur une méfiance à l'égard des immigrants (Trump promet de construire un mur magnifique), de la mondialisation et des institutions internationales. Un nationalisme protecteur d’une culture et de l’histoire « distinctive » de la nation, à la différence de celui de Ronald Reagan décrit comme étant plutôt un nationalisme optimiste d’ouverture sur un monde d’opportunités permettant de concrétiser le rêve américain.

Je ne suis ni sociologue, ni politologue, ni versée dans les débats d’ordre constitutionnel. J’admire (mais n’envie pas) les gens qui ont creusé le sujet suffisamment pour y avoir choisi un camp. Rationnellement. Passionnément. Et avec toute la vigueur du militant convaincu, le couteau entre les dents.

Cela dit, à les voir aller et à les lire, je me dis souvent que je ne dois pas être nationaliste. Dois-je m’en confesser ? Probablement.

Je n’ai, par exemple, aucunement peur pour la survie du français au Québec et n’ai pas non plus adhéré à l’idée de la Charte des valeurs de Bernard Drainville. Quant aux enjeux portant sur l’immigration, je ne suis pas loin d’être scandalisée lorsque je lis les commentaires sur les réseaux sociaux.

Ai-je peur du radicalisme religieux islamiste ? Absolument ! Comme de tous les radicalismes religieux ou idéologiques. Mais à partir du moment où les nouveaux arrivants adhèrent aux valeurs démocratiques, à la liberté de la presse et d’opinion, et à l’égalité entre les hommes et les femmes, il me semble que nous pourrions les accueillir convenablement au lieu de les faire poireauter dans les dédales bureaucratiques de l’immigration.

Le français comme seule langue officielle du Québec ? Bien. Mais pourquoi interdire aux jeunes francophones un accès aux collèges anglophones, comme aimerait bien le proposer le ministre caquiste Simon Jolin-Barrette ? Heureusement, le premier ministre François Legault a refroidi ses ardeurs : pas question d’interdire aux francophones d’étudier dans un cégep anglais, dit-il. Espérons que là-dessus, il ne changera pas d’idée.

Je m’interroge également sur cet attachement au nationalisme d’État. Y a-t-il tant de raisons d’être fiers de nos systèmes publics d’éducation ? De santé ? De notre nationalisme économique si coûteux ?

Est-il permis d’être fière de la résilience de mes ancêtres sans devoir acheter le mastodonte gouvernemental qui vient avec ?

Quant aux discours pleurnichards des plus fervents nationalistes, ne réalisons-nous pas que les jeunes Québécois qui n’ont peur ni de l’anglais ni de celui qui le parle, y sont totalement indifférents ? Ça, ça « pogne » vraiment pas.

Finalement, je dois être une individualiste de la pire espèce, parce que cette fierté « nationale », je ne la ressens pas. Je me dis des fois que je dois avoir un sérieux problème d’attachement… national. Et ce constat me fait sourire.

La fierté ? Mon sentiment profond, c’est qu’elle ne peut être qu'individuelle ; aucun gouvernement ne peut se l’approprier ni la générer. Parce que ceux qui ont à être fiers ces temps-ci, ce ne sont pas ces gouvernements géniteurs de systèmes qui rendent la vie difficile aux artisans, aux citoyens et aux entrepreneurs, mais bien les individus qui soignent les malades, qui assistent bien impuissants au dernier souffle des mourants, qui enseignent à distance, qui inventent de nouveaux équipements, qui transforment leurs industries dans des temps records, qui ne comptent plus leurs heures pour créer un vaccin et en assurer la distribution.

La fierté ? C’est celle qui appartient aussi à ceux qui continuent de se battre pour protéger leur gagne-pain, préserver leur patrimoine familial et leur santé mentale. Ce sont ces jeunes élèves et jeunes adultes qui tiennent le coup, malgré les énormes sacrifices que le gouvernement leur impose parfois même inutilement.

Mais ce calvaire, il achève. Le vaccin est là. Et le repos du guerrier vous attend. C’est pour très, très bientôt.

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