Au cours des 20 dernières années, nombreuses ont été les tentatives d’anciens parlementaires de faire en sorte que l’Assemblée nationale du Québec reconnaisse formellement qu’elle a commis une erreur le 14 décembre 2000.

Ce jour-là, on s’en rappelle, les élus ont adopté dans l’empressement total, sans préavis et sans débat, immédiatement après la période de questions, une motion présentée conjointement par le député libéral Lawrence Bergman et le député du Parti québécois André Boulerice, dénonçant des propos qualifiés d’« inacceptables » tenus la veille par Yves Michaud.

En 2016, Bernard Landry lui-même en avait appelé au premier ministre et au chef de l’opposition officielle de l’époque, MM. Bouchard et Charest, afin qu’ils interviennent publiquement « pour que justice soit rendue ». Cette tentative de l’ex-premier ministre s’ajoutait à bien d’autres, toutes aussi vaines, dont celle fort louable, en 2010, de l’ex-député de Mercier, Amir Khadir, soutenu dans sa démarche par deux députés de l’ADQ de l’époque et aujourd’hui caquistes : Marc Picard et Éric Caire.

Tout ceci, alors qu’une cinquantaine de députés qui avaient appuyé la résolution, dont Pauline Marois, Joseph Facal et André Boulerice, faisaient part de leur regret, reconnaissant avoir commis une erreur.

Je suis d’ailleurs de ce groupe d’anciens députés. En ce jour de décembre 2000, j’ai suivi la ligne de parti, celle-là même dont j’ai dit en 2011, en quittant le Parti québécois, qu’elle était d’une rigidité implacable et qu’elle était de ces maux qui sont en train de tuer la politique. J’ai donc voté afin « que l’Assemblée nationale dénonce sans nuance, de façon claire et unanime, les propos inacceptables à l’égard des communautés ethniques et, en particulier, à l’égard de la communauté juive tenus par Yves Michaud à l’occasion des audiences des États généraux sur le français à Montréal le 13 décembre 2000 ».

Une condamnation sans procès

À tort, sur le fond, puisque le verbatim dont nous n’avions pas pris connaissance avant de voter révèle que le vice-président fondateur de la Ligue des droits de l’Homme a plutôt fait ce jour-là l’éloge de cette communauté.

À tort aussi, sur la forme, puisqu’il s’agissait de la condamnation inusitée sans procès, sans preuve ni témoin, d’un simple citoyen par des élus, par son Assemblée nationale.

Une pratique que plusieurs, dont Pauline Marois, Paul Bégin et Jean-Pierre Charbonneau, ont demandé qu’elle soit revue pour éviter de jeter l’opprobre sur quelqu’un de la sorte. De son côté, le juge Jean-Louis Baudouin, tout en reconnaissant le privilège de l’Assemblée nationale de se comporter ainsi, ajoutait deux paragraphes au jugement de la Cour d’appel du 8 juin 2006 se prononçant sur la question. M. Michaud, écrivait-il, a été « exécuté sur la place publique sans, d’une part, avoir eu la chance de se défendre et, d’autre part, sans même que les raisons de sa condamnation aient préalablement été clairement exposées devant ses juges, les parlementaires ». Qui peut prétendre le contraire ?

Aujourd’hui, alors que l’Assemblée nationale du Québec ne compte plus que deux députés qui siégeaient en 2000, soit l’actuel premier ministre, François Legault, et le député de Montmorency, Jean-François Simard, et au moment où l’on s’apprête à souligner le 20anniversaire de l’évènement, les parlementaires, dans le cadre d’un vote libre, sans imposition de la ligne de parti et en leur âme et conscience, devraient pouvoir voter, au nom de l’institution, une nouvelle motion reconnaissant pleinement l’erreur qu’elle a commise le 14 décembre 2000, et en offrir solennellement le texte à M. Michaud. Avant que d’autres parlementaires ne soient pressés à le faire à titre posthume. Et pour l’honneur d’un homme qui a beaucoup donné au Québec et dont la carrière ne peut et ne doit se résumer à une « affaire » tristement célèbre.

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