J’ai fait mon entrée à Polytechnique Montréal 12 ans après l’attentat survenu le 6 décembre 1989. Comme bien d’autres collègues, j’ai souvent pensé à cette tragédie pendant mes études. Je me souviens particulièrement des commémorations annuelles pour rendre hommage aux 14 femmes qui ont perdu la vie ce jour-là. Ces commémorations restent gravées dans ma mémoire.

Pandémie oblige, celles de cette année seront plus modestes. Il est donc d’autant plus important de souligner que nous n’avons pas oublié cet acte de violence qui ciblait des femmes ayant fait du génie leur choix de carrière.

Tout en honorant la mémoire de ces femmes, il faut aussi saluer la résilience et la détermination de leurs proches, des survivantes, ainsi que des autres témoins et intervenants qui ont été marqués à tout jamais par cet évènement.

Beaucoup d’entre eux, chacun à leur façon, ont par la suite contribué à faire progresser les femmes au sein d’une profession qui demeure encore aujourd’hui à forte prédominance masculine.

En 1989, les femmes représentaient seulement 4 % des membres de la profession. Aujourd’hui, elles comptent pour 15 %. Elles sont déjà mieux représentées parmi la relève, puisque plus de 20 % des candidats à la profession d’ingénieur sont des femmes. Du côté des étudiants en génie, Polytechnique a franchi le cap de 30 % d’étudiantes dans ses nouvelles inscriptions. Ces chiffres sont encourageants, mais montrent aussi que le travail est loin d’être terminé.

Compter sur tous les talents

Le Québec a besoin de l’ingénierie pour réaliser les projets dont il rêve. La main-d’œuvre se fait déjà rare, et il faut pouvoir compter sur tous les talents.

Il faudrait un jour atteindre la parité hommes-femmes que d’autres professions connaissent.

Première marche vers cet objectif : la profession s’est fixé comme cible de porter à 30 % la proportion de nouvelles ingénieures d’ici 2030. Des actions sont en cours pour y arriver.

Les experts le répètent : pour que les filles choisissent d’étudier en génie, elles ont besoin de modèles qui leur présentent la profession au bon moment dans leur parcours. C’est pourquoi l’Ordre des ingénieurs du Québec a lancé l’an dernier le programme des Ambassadrices de la profession. Des ingénieures bénévoles ont jusqu’à maintenant joint près de 5500 jeunes du secondaire, dont la moitié étaient des filles. L’an prochain, nous déploierons un projet similaire dans les cégeps.

Un projet-pilote de mentorat a également été mis sur pied. Au cours des derniers mois, 200 jumelages ont réuni des ingénieurs de plein titre, hommes et femmes, et des étudiantes en génie. Cet accompagnement met ces étudiantes en contact plus direct avec les réalités de la profession. Il leur fournit des outils qui facilitent leur persévérance scolaire et leur intégration professionnelle.

Des centaines d’ingénieures et d’ingénieurs soutiennent ces différentes actions dans toutes les régions du Québec.

Favoriser l’épanouissement professionnel

Les femmes qui choisissent le génie font un bon choix. Nos sondages indiquent que 84 % des femmes qui pratiquent le génie sont heureuses au travail, et que près de 9 membres de la profession sur 10 conseilleraient à leur fille de choisir cette profession.

Pour favoriser l’épanouissement professionnel d’un nombre grandissant d’ingénieures, il y a toutefois lieu d’offrir des outils pour les employeurs soucieux de réussir la diversité et l’inclusion. Nous y travaillons.

Le génie est une profession d’influence, et les femmes doivent y trouver leur place. Profitons des commémorations du 6 décembre pour souligner le chemin parcouru au cours des dernières décennies et pour poser ensemble les jalons qui nous permettront d’aller encore plus loin.

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