La pandémie de COVID-19 nous a tous fait prendre conscience de la fragilité de notre filet de sécurité sociale et a mis en lumière un certain nombre de problèmes sociaux complexes. La faim, la pauvreté et l’itinérance sont en augmentation. Qui plus est, les incertitudes dans de nombreux secteurs économiques que nous vivons actuellement devraient se poursuivre bien au-delà de 2021 et toucheront de manière disproportionnée un certain nombre de nos concitoyens. Si nous continuons à essayer de répondre à ces problèmes de la même manière que nous l’avons fait jusqu’à présent, nous ferons face à un gouffre sans fond, car les besoins dépasseront notre capacité collective d’y répondre.

Au cours des 50 dernières années, en raison de l’absence d’un plan clair et bien coordonné, le réseau communautaire à but non lucratif s’est fait coincer dans un « cycle de famine », devant toujours quémander les ressources nécessaires à sa survie afin de servir les personnes dans le besoin. Force est de constater qu’aujourd’hui, malgré toutes les bonnes intentions, les milliers d’efforts déconnectés et dépourvus de ressources ne réussissent pas à résoudre de manière adéquate des problèmes complexes comme la faim, la pauvreté, la violence, l’isolement ou l’itinérance chronique.

Il faut commencer à réfléchir dès maintenant afin qu’au sortir de cette crise, nous ayons repensé à la manière de faire évoluer cet écosystème afin de relever les défis sociaux auxquels nous faisons face.

Quatre pistes pourraient nous mener vers des solutions durables :

Établir une définition commune du défi

La pandémie a démontré qu’il est temps de s’entendre sur les défis sociaux les plus critiques et de les définir avec précision. Si nous ne parvenons pas à identifier la racine d’un problème, nous traiterons le symptôme plutôt que la cause. L’insécurité alimentaire en est un bon exemple. Le fait que nous avons de la difficulté à définir le problème a entraîné une croissance explosive des réponses en aval (comme les nombreuses banques alimentaires) plutôt que des réponses en amont orientées vers des solutions qui auraient permis d’en traiter les multiples causes.

Mettre en place des systèmes de mesure précis

Pendant une grande partie du XXe siècle, peu de systèmes de mesures étaient en place dans le secteur communautaire. La résultante est qu’aujourd’hui, il est pratiquement impossible de connaître des faits importants, comme la somme que nous dépensons pour régler des problèmes comme l’itinérance ou l’insécurité alimentaire. Nous ne disposons que de peu d’informations sur l’omniprésence de la faim, car de nombreuses personnes ont accès à de multiples sources de sécurité alimentaire et certaines qui ont besoin de nourriture ne vont jamais dans une banque alimentaire et ne sont donc pas comptabilisées.

Mieux aligner les plans et les services locaux

L’un des principaux obstacles à la résolution de problèmes sociaux complexes est qu’ils chevauchent ou transcendent les juridictions et les ministères. Il en résulte une planification disjointe et une mise en œuvre inégale. Une initiative majeure, comme l’élimination de l’itinérance chronique, nécessite un plan bien conçu – et non six ou huit plans indépendants. Cela signifie que les plans fédéraux, provinciaux et municipaux doivent être regroupés en un seul et même plan et que des partenaires communautaires spécifiques doivent être engagés dans le processus et les phases de mise en œuvre du plan. En outre, les organisations caritatives locales, farouchement indépendantes, qui servent actuellement les personnes vulnérables, ne peuvent pas obtenir les résultats qu’elles envisagent si elles fonctionnent en vase clos et se font concurrence pour les ressources. Le nouveau modèle des organisations communautaires à but non lucratif doit se caractériser par l’interdépendance et la spécialisation afin qu’un continuum de services bien coordonnés puisse être offert pour aider les personnes dans le besoin.

Développer un modèle de financement cohérent

Les mécanismes de financement inégaux et inadéquats du passé doivent être courageusement abandonnés. Pourquoi ? Parce qu’ils se sont avérés inadéquats et ne répondront pas aux nouvelles exigences du XXIe siècle. Il ne s’agit pas de dépenser plus, mais de dépenser plus intentionnellement. À l’avenir, le financement doit être conçu pour soutenir des activités qui produisent des résultats, et non pas seulement un patchwork de mesures d’urgence. Un nouveau modèle de financement doit être conçu pour mettre davantage l’accent sur la prévention et le soutien qui est nécessaire après la prise en charge d’une urgence. Il doit aussi prévoir une obligation de rendre compte afin que nous puissions nous assurer que les ressources déployées produisent effectivement les résultats mesurables envisagés.

Nous faisons rarement face dans notre histoire à des crises comme celle que nous vivons actuellement. J’implore donc tous les acteurs à saisir cette occasion afin qu’au sortir de la crise, nous soyons tous prêts à revoir notre approche et ainsi nous assurer que tous puissent avoir droit à une vie digne et heureuse.

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