L’Association des médecins psychiatres du Québec, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec, l’Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec, le Réseau Avant de Craquer, l’Association québécoise en prévention du suicide, Revivre et l’Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques veulent ensemble soutenir le ministère de la Santé et des Services sociaux et l’engager vers un nouveau leadership en santé mentale au Québec.

Nous unissons nos voix afin que les services en santé mentale soient accessibles :

– avant d’attendre que la personne atteinte ou ses proches s’épuisent et se découragent ;

– avant que la crise ne devienne si grave que la personne doive vivre des pertes financières, la perte de son emploi ou de son logement ;

– avant que la personne ne devienne dangereuse pour elle-même, ses proches et le public, ou porte atteinte à sa propre vie ;

– pour éviter des interventions répétées des policiers ou des passages en boucle aux urgences psychiatriques.

Le constat est implacable : l’accès à des soins de santé mentale au Québec est trop complexe et implique des délais insoutenables. Les personnes en crise disposent de très peu d’options pour obtenir des services rapidement dans leur communauté, autres que de se présenter à l’urgence de l’hôpital.

Quant aux médecins omnipraticiens, ils sont nettement trop limités dans la diversité de soins qu’ils peuvent offrir directement au sein de leur groupe de médecine familiale (GMF).

Trois mesures

Nous proposons trois mesures à mettre en place dans l’urgence de la crise sanitaire actuelle et qui répondent aux enjeux soulevés par tous les intervenants, de tous les milieux, de toutes les régions.

1. Rehausser la responsabilisation des centres intégrés et exiger l’implantation de normes pour développer des guichets d’accès en santé mentale adulte efficaces et performants.

Pour qu’ils puissent pleinement jouer leur rôle, soit d’évaluer rapidement la situation et les besoins de la personne ainsi que de débuter immédiatement des interventions thérapeutiques, les guichets doivent compter sur un financement adéquat, du personnel suffisant et bien formé, et la collaboration d’un médecin spécialiste répondant en psychiatrie.

Cette approche, combinée avec la présence de professionnels en santé mentale et de psychiatres répondants à même les GMF, a fait ses preuves. Elle permet de réduire considérablement le temps d’attente et d’augmenter la satisfaction des usagers et des médecins de famille du territoire, qui se retrouvent nettement mieux outillés pour suivre leurs patients atteints de troubles mentaux. Des mesures incitatives importantes doivent être mis en place pour que chacun des centres intégrés instaure les meilleures pratiques avec un suivi étroit des indicateurs et un financement conditionnel.

2. Reconnaître pleinement la contribution des organismes communautaires et des regroupements de familles et de proches aidants.

Nous proposons de faire participer et de financer, à l’intérieur de chaque guichet d’accès, une personne-ressource provenant des organismes communautaires qui aura la tâche de coordonner les liens de collaboration entre les organismes communautaires et les services du réseau de la santé.

Il est aussi essentiel d’inclure au sein des équipes de santé mentale des proches aidants rémunérés provenant des organismes communautaires afin de soutenir les proches des personnes aux prises avec des troubles mentaux.

Finalement, il est crucial de reconnaître aussi l’apport des ressources communautaires dans le soutien à l’autogestion (autosoins dirigés), l’accompagnement et l’enseignement psychologique, tout en favorisant la diffusion de ces pratiques.

3. Développer de façon majeure et permanente des soins (psychiatriques et physiques) qui sont dispensés dans le milieu naturel des personnes, comme à domicile et dans les ressources de proximité lorsque les personnes vivent une crise importante de santé mentale.

Nous proposons d’inclure des personnes formées en évaluation des troubles mentaux (issues du réseau ou d’organismes communautaires) pour accompagner et soutenir les premiers répondants (principalement les policiers) lors de leurs interventions auprès de personnes avec des troubles psychiatriques. Et lorsque les patients vivent une crise psychiatrique sérieuse, ils devraient bénéficier de soins interdisciplinaires complets dispensés dans la communauté, y compris à leur domicile, en collaboration avec leurs proches.

Nous recommandons que ces équipes de proximité soient développées dans toutes les régions du Québec et capables d’entamer un suivi et un traitement en moins de 24 heures dans le contexte d’une crise psychiatrique. Une telle approche permettrait d’agir de façon plus anticipée, flexible et ciblée sur les besoins des personnes, en permettant de réduire de beaucoup le stress et l’épuisement vécus par leurs proches.

Les solutions existent pour offrir des soins beaucoup plus rapides, flexibles, adaptés aux besoins et propices à l’engagement et au soutien de leurs proches.

Prévenons d’autres drames en agissant maintenant.

* Cosignataires : Olivier Farmer, Association des médecins psychiatres du Québec ; Louis Godin, Fédération des médecins omnipraticiens du Québec ; Gilbert Boucher, Association des spécialistes en médecine d’urgence du Québec ; Jérôme Gaudreault, Association québécoise de prévention du suicide ; Jean-Rémy Provost, Revivre ; et Amal Abdel-Baki, Association québécoise des programmes pour premiers épisodes psychotiques.

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