La COVID-19 ne sera pas la dernière pandémie à laquelle le monde devra faire face. Afin de mieux comprendre le phénomène, nous proposons aujourd’hui le septième d’une série de 10 textes publiés dans le cadre d’une initiative de l’École supérieure d’études internationales de l’Université Laval.

Nous sommes à la croisée des chemins. Notre réponse à la crise de la COVID-19 déterminera l’avenir de la gouvernance climatique.

Au printemps dernier, alors que nous constations avec effroi l’ampleur de la crise sanitaire, certains se consolèrent en pensant à la revitalisation de l’environnement. Un ciel azur apparaissait enfin au-dessus de villes auparavant noyées dans le smog.

Ce n’était qu’un mirage. La chute des émissions de CO2 fut prononcée (jusqu’à 25 %), mais temporaire. Comme ce fut le cas lors de la récession de 2008, les émissions rebondirent rapidement. Lorsque nous sommes parvenus à aplatir la courbe des hospitalisations au printemps dernier, l’autre courbe, celle de la concentration de CO2 dans l’atmosphère (appelée « courbe de Keeling »), reprit son ascension. L’effet du ralentissement économique sur le climat sera négligeable1.

La planète a besoin de bien plus que de quelques mois de répit pour reprendre son souffle.

La crise de la COVID-19 nous rappelle néanmoins l’importance vitale de s’attaquer à la pollution. La pollution atmosphérique générée par la consommation d’énergies fossiles entraîne des maladies pulmonaires et cardiovasculaires, qui à leur tour augmentent les risques de mourir de la COVID-19. Environ 15 % des décès causés par la COVID-19 sont liés à la pollution atmosphérique2.

Nouveaux virus

Les changements climatiques accentuent également la probabilité d’épidémies. Avec l’augmentation des précipitations et des températures, de nouvelles maladies infectieuses transmises par des insectes risquent d’atteindre nos latitudes. Par ailleurs, la fonte du pergélisol pourrait libérer des virus demeurés gelés depuis des siècles.

L’Organisation mondiale de la santé prévoit que les changements climatiques entraîneront à eux seuls 250 000 morts chaque année à partir de 2030. C’est l’équivalent du nombre de morts causé par la COVID-19 durant les quatre premiers mois de 2020. Indéniablement, la santé humaine est liée à celle de la planète.

Les plans de relance constituent une occasion unique de favoriser une croissance plus respectueuse de l’environnement.

De prime abord, ce scénario peut sembler improbable. On pourrait s’attendre à ce que les difficultés économiques freinent les ardeurs de l’opinion publique envers l’action climatique. Or, ce n’est pas ce que l’on constate : les crises n’entraînent pas un désintérêt du public envers le climat3.

Le contexte actuel est même particulièrement favorable à la transition énergétique : (1) des investissements massifs sont nécessaires pour atténuer le chômage ; (2) les faibles taux d’intérêt réduisent le coût de ces investissements ; (3) les investissements dans les énergies renouvelables sont plus rentables que jamais.

Dès lors, les plans de relance verte se multiplient à travers le monde. La Commission européenne a annoncé l’été dernier 550 milliards d’euros pour le climat. Ces sommes seront notamment consacrées à l’efficacité énergétique des bâtiments, à l’électrification des transports et au développement de technologies vertes. Des conditions environnementales strictes seront également imposées à toutes les entreprises qui bénéficient du plan de sauvetage européen.

De son côté, le président désigné Joe Biden propose des investissements de 2 billions de dollars pour stimuler l’économie américaine tout en la décarbonant. C’est un plan pharaonique, inspiré des propositions des sénateurs Sanders et Warren. Il est improbable que la Commission européenne et le candidat démocrate auraient fait des propositions aussi ambitieuses en l’absence de la crise entraînée par la pandémie.

C’est une occasion à saisir. La mise en œuvre de ces plans verts contribuera significativement à atténuer les changements climatiques4.

Alors que la baisse des émissions du printemps dernier ne fut que temporaire, celle favorisée par les plans verts sera durable et structurante.

Certes, d’autres gouvernements misent plutôt sur le retour à une économie intensive en carbone5. C’est le cas de la Russie et de la Turquie, dont les plans de relance incluent de généreuses subventions aux industries polluantes. Tant la Commission européenne que le président désigné Biden envisagent d’ailleurs d’imposer des mesures commerciales pour forcer la main aux pays qui ne prennent pas le virage vert.

Entre ces deux extrêmes, le Canada a appuyé autant les industries vertes que les industries polluantes. Le discours du Trône a annoncé plusieurs mesures climatiques, mais les détails demeurent nébuleux. De son côté, Québec a dévoilé son Plan pour une économie verte lundi, avec des investissements majeurs dans l’électrification des transports, sans toutefois oser une taxation environnementale. Pour l’instant, les moyens (par rapport au PIB) et les objectifs de réduction (par rapport aux émissions de 1990) demeurent en deçà de ce que la Commission européenne a annoncé l’été dernier. On semble encore hésiter, à la croisée des chemins, entre une économie fondée sur l’extraction accrue des ressources naturelles ou une relance fondée sur les technologies vertes.

1 Lisez un article de Nature (en anglais)

2 Lisez un article sur le sujet (en anglais)

3 Lisez un article sur le sujet (en anglais)

4 Lisez un article sur le sujet (en anglais)

5 Lisez un article sur le sujet (en anglais)

La semaine prochaine : les pestilences antiques à la lumière de la COVID-19

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