Jeudi dernier, dans une unanimité habituellement réservée à souligner la première place d’une école secondaire de La Tuque aux championnats d’échecs interscolaires canadiens, les députés de l’Assemblée nationale ont appuyé une motion de blâme à l’égard du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon. Cette motion s’inscrivait dans la foulée du rapport de la commissaire à l’éthique et à la déontologie, Ariane Mignolet, sur les liens qu’entretenait M. Fitzgibbon avec une société privée.

J’ai lu le rapport de la commissaire. Pas la version courte comme plusieurs qui se sont précipités pour condamner la conduite du ministre, mais la longue – la très, très longue. Celle qui laisse sous-entendre qu’un ministre ne devrait pas répondre à son téléphone portable à moins que le numéro ne soit disponible pour tous les Québécois. Celle qui ignore largement les responsabilités d’un ministre de l’Économie. Et celle, enfin, qui lui reproche de n’avoir démontré « aucune volonté réelle de s’amender ». Je croyais lire les conclusions de la Commission des libérations conditionnelles devant la requête d’un récidiviste notoire.

M. Fitzgibbon a un profil atypique pour la politique. Il n’a pas milité dans un parti depuis qu’il a 16 ans. Il ne maîtrise pas les outils des politiciens de carrière et vient d’un milieu qui a peu nourri les rangs de l’Assemblée nationale.

Mais M. Fitzgibbon jouit d’une très bonne réputation auprès du milieu des affaires. Il sait lire un bilan financier. Sa disponibilité est remarquable – les entrepreneurs du Québec en témoignent régulièrement.

Trop volontaire parfois à mettre en lumière ses amitiés et antennes dans toutes les sphères économiques du Québec, ce n’était qu’une question de temps avant que les partis de l’opposition ne reprochent à M. Fitzgibbon un cas de conflit d’intérêts. Dans leur mire, une entreprise de taille modeste dans laquelle M. Fitzgibbon détenait une participation dont il a souhaité se départir en grande partie pour ne pas lui nuire à la lumière de ses nouvelles responsabilités ministérielles.

En lisant le rapport, on constate l’ignorance de la classe politico-administrative sur les obstacles qu’affronte un vendeur d’actions d’une société privée. On reproche à M. Fitzgibbon d’avoir vendu les actions à un très bon ami. Pire, les pourparlers auraient débuté au Centre Bell durant un match de hockey. Bien chanceux que l’UPAC ne s’en soit pas mêlée.

Un processus de nomination rigoureux

Les dénonciateurs ont aussi demandé à la commissaire d’enquêter sur le processus de nomination du nouveau président d’Investissement Québec (IQ), Guy LeBlanc. Préférant ignorer son parcours professionnel impeccable, ils ont plutôt fait rejaillir les liens personnels le rattachant à M. Fitzgibbon. La preuve étalée dans le rapport de MMignolet ne laisse pas de place au doute – IQ a conduit un processus rigoureux et transparent qui pourrait inspirer le Vatican dans l’organisation du prochain conclave.

Les partis de l'opposition ont lancé cette chasse aux sorcières pour fragiliser un ministre efficace. La commissaire – qui précise qu’elle a examiné près de 4000 documents – a pris plaisir à vivre son moment « James Comey ».

MMignolet – il faut le lire pour le croire – reproche indirectement à M. Fitzgibbon d’avoir présenté une défense trop robuste. Et comme il n’a pas voulu prononcer les paroles « je suis navré, votre Excellence » cinq fois sans grincer des dents, elle lui a confisqué son PlayStation et a invité tous ses amis à assister à la saisie live.

Ne soyons pas dupes – les partis de l’opposition adoreraient voir un nouveau titulaire au ministère de l’Économie. Préférablement avec très peu d’agilité en affaires et surtout beaucoup d’indécision – ce serait vraiment super en pleine pandémie. Mais ne doutons pas un seul instant non plus que des gens d’affaires ont observé les évènements des dernières semaines et mis une croix sur une carrière politique. C’est Québec solidaire qui s’en réjouit.

Certains croiront que je me porte à son secours en raison de liens d’amitié. Je connais peu M. Fitzgibbon et ne sais pas s’il partage mes passions pour le basket, le jazz et le Maine. Je ne le fréquente pas – point. En fait, il a existé entre nous pendant de nombreuses années une inimitié résultant d’une transaction dans laquelle nous avions des rôles opposés. Mais je trouve fort injuste le sort que lui ont réservé ses confrères cette semaine.

La rapidité avec laquelle le premier ministre s’est rallié aux conclusions de MMignolet peut surprendre. Il a souligné que son ministre avait été imprudent et « qu’il avait eu sa leçon ». Je me demandais à quelle leçon le premier ministre faisait référence – celle de ne pas se rendre trop facilement disponible pour les entrepreneurs qui cherchent de l’aide ou, plutôt, celle de ne plus jamais accepter une invitation d’un ami à se joindre à son gouvernement ?

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