La Presse nous a appris lundi que, lors de son premier entretien téléphonique avec le président américain désigné, Joe Biden, le premier ministre Justin Trudeau avait abordé des sujets intéressant les deux pays.

Comme le racisme à l’égard des Noirs…

Rien de moins ! Dans sa discussion avec le plus haut personnage politique américain, le premier ministre canadien a donc fait un parallèle entre la situation des Noirs ici et celle chez nos voisins du Sud. On ne sait s’il est allé jusqu’à demander conseil à M. Biden…

PHOTO OLIVIER DOULIERY, AGENCE FRANCE-PRESSE

Moment de tension entre un partisan de Trump et un manifestant du mouvement Black Lives Matter près de la Maison-Blanche, à Washington, le 3 novembre dernier, soir de l’élection

Réunion sur le racisme systémique

Il est bien connu en effet que le Canada a tout à apprendre en ce domaine des États-Unis, dont le bilan force franchement l’admiration ! Comme il est bien connu que les Noirs canadiens font l’objet d’un odieux racisme systémique comme aux États-Unis, en plus d’être restés traumatisés par l’esclavage. Comme aux États-Unis !

On a appris également lundi qu’Ottawa a convoqué les provinces à une réunion pour discuter du racisme systémique.

Le Québec a refusé de participer à cette opération de poudre aux yeux, les derniers mois ayant montré qu’on ne saurait importer ce concept d’origine américaine sans la dynamique de radicalisation qui va avec lui, comme on l’a vu à l’Université d’Ottawa

Dans la foulée de leur morbide fascination pour Donald Trump depuis quatre ans, plusieurs Québécois en sont venus à connaître davantage les arcanes de la politique dans certains comtés de la Pennsylvanie que leur propre système démocratique, si différent de son équivalent américain.

L’américanisation de notre culture politique est en train d’atteindre des sommets historiques, alors que la démocratie de même que la société américaine n’ont jamais manifesté autant de signes de dysfonctionnements.

C’est tout particulièrement le cas en ce qui a trait aux relations raciales, les violences inquiétantes ayant accompagné le mouvement Black Lives Matter dans des villes comme Portland ayant joué un rôle dans l’appui de certains Américains à Donald Trump.

Ce qui nous ramène à ce concept de racisme systémique embrassé avec enthousiasme par un Justin Trudeau jamais en panne de paroles creuses en ces choses. Que l’on pense au dossier autochtone, plus pourri que jamais malgré le fait que le premier ministre canadien soit allé jusqu’à affirmer que les Premières Nations avaient fait l’objet d’un génocide par le pays qu’il dirige.

Guerre de Sécession américaine

Rappelons qu’essentiellement politique, le concept de racisme systémique a pris naissance dans les années 1960 dans ces États-Unis, où, contrairement à ici, le racisme est virulent et violent. Rappelons également que la question raciale a été historiquement au cœur de l’aventure nationale américaine depuis ses origines, en passant par une guerre de Sécession qui s’est menée sur la question de l’esclavage dans les années 1860 et les lois ségrégationnistes adoptées ultérieurement par plusieurs États du Sud.

S’il existe un racisme systémique au pays, c’est à l’égard des autochtones parqués dans des réserves et soumis à un système d’apartheid n’ayant pas grand-chose à envier à l’ancienne Afrique du Sud, Loi sur les Indiens de 1876 oblige.

Ce sont les autochtones qui sont au Canada l’équivalent des Noirs américains en matière de racisme, absolument pas les autres minorités visibles arrivées plus récemment.

Certains ne craignent pas le ridicule en faisant le lien entre l’esclavage extrêmement marginal qui a déjà existé en Nouvelle-France et la tragédie raciale américaine. Si le racisme existe ici, il n’est clairement pas au cœur de l’aventure collective québécoise comme aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada anglais depuis la constitutionnalisation du multiculturalisme en 1982.

Universalisme québécois

Incapables de dépasser l’émotion moralisatrice du moment, les commentateurs bien-pensants qui harcèlent depuis des mois le premier ministre François Legault pour qu’il reconnaisse l’existence du racisme systémique dans notre société se désintéressent de façon irresponsable des conséquences qui découleraient forcément d’une telle reconnaissance en termes de demandes d’excuses, d’indemnisations et de quotas.

Sans oublier l’impact négatif sur nos lois en matière de français et de laïcité, de même que la dynamique de radicalisation à l’américaine que cela accentuera.

A-t-on vraiment besoin de cela ?

Loin de s’en excuser, le Québec issu de la Révolution tranquille doit être fier de ne pas se voir comme une « société racialisée », adhérant plutôt à la grande pensée universaliste issue du siècle des Lumières européen il y a 250 ans.

Cet universalisme, où l’on tient mordicus à ne pas faire de différence entre des citoyens tous égaux en statut, apparaît pas mal plus progressiste que des concepts importés des États-Unis où l’animosité, la haine et la peur règnent de plus en plus entre les groupes.

Encore plus maintenant qu’il y a six mois après la mort de George Floyd à Minneapolis, il importe de rappeler que, tout particulièrement en ce qui a trait au racisme à l’égard des Noirs, nous ne sommes pas des Américains.

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