(Los Angeles) On ne vient que de commencer la tabulation des résultats, mais il paraît que la course entre le président sortant Donald Trump et l’ancien vice-président Joe Biden est plus serrée que ne le prévoyaient les sondages.

On estime que plus de 160 millions de suffrages ont été exprimés, un taux de participation de 67 % – ce qu’on n’a pas vu depuis la présidentielle de 1900.

Trump est en voie de remporter plusieurs États tels la Floride, la Caroline du Nord, le Texas et l’Ohio, où on prévoyait que Biden avait une chance de gagner. Par contre, Biden reste en tête en Arizona, la course reste serrée en Géorgie, et les résultats pour les États-clés du Wisconsin, du Michigan et de la Pennsylvanie ne seront connus que dans un ou deux jours. Il va donc falloir attendre pour connaître le gagnant.

Mais peu importe les résultats, ce qu’on peut dire avec certitude, c’est que l’élection de 2020 ne verra pas la fin du « trumpisme » même si Trump lui-même perdait l’élection. Malgré son incompétence et son insensibilité face à la pandémie et à la crise économique, qui ont sapé son soutien, il retient l’appui d’une minorité importante d’Américains.

Grâce à un système électoral antidémocratique, il est bien possible que cette minorité lui permette de rester au pouvoir – il est presque impossible que Trump obtienne plus de votes que Biden au niveau national. Mais même si Biden gagne, les partisans de Trump ne disparaîtront pas du jour au lendemain. On peut notamment s’attendre à ce que l’extrême droite, qui a été enhardie par les propos racistes et xénophobes de Trump, intensifie ses actions dans la foulée de l’élection.

De plus, avec un Sénat probablement dans l’impasse et une branche judiciaire remplie à tous les niveaux de juges nommés par Trump (pas seulement à la Cour suprême), ceux qui promeuvent la politique conservatrice de Trump retiendront de nombreuses avenues pour exercer le pouvoir.

Quant à Trump lui-même, on ne peut pas écarter la possibilité qu’il continue de faire campagne afin de se présenter à la course présidentielle de 2024. De toute façon, le Parti républicain restera le parti de Trump dans un avenir prévisible.

À la recherche d’une cohérence

Pour ce qui est du Parti démocrate, il manque une vision politique cohérente pour contrer le trumpisme. Le message principal, voire unique de Biden durant la campagne était qu’il n’était pas Trump. Il a refusé vigoureusement d’articuler une vision progressiste pour répondre aux grands enjeux du moment tels le réchauffement climatique, la crise économique, la justice raciale, la crise du système de santé et ainsi de suite. Il s’est même vanté à plusieurs reprises d’avoir vaincu les candidats progressistes comme Bernie Sanders parce qu’il rejetait leur vision politique plus élargie.

Mais en rejetant cette vision plus élargie et en ne promettant rien de plus qu’un retour à la (prétendue) « normale », un président Biden risque de retourner à la politique qui a jeté les bases pour la montée de Trump.

Parce qu’il faut se rappeler que le phénomène Trump n’est pas fortuit. Au contraire, c’est le symptôme d’une crise profonde de représentation politique aux États-Unis. Aucun des deux partis ne s’adresse aux questions qui touchent la grande majorité des Américains : la sécurité économique, la santé, les emplois. Bien que Trump n’ait rien fait de concret sur ces questions, au moins il en a parlé, ce qui explique une partie de son soutien.

Le Parti démocrate, censé représenter les intérêts des moins privilégiés, a avancé depuis au moins l’ère Clinton une politique qui s’est éloignée de sa prétendue base électorale afin de s’approcher des intérêts financiers. En 2016, le parti a payé le prix de cette politique en perdant l’appui de plusieurs électeurs blancs, tandis que de nombreux électeurs racisés n’ont pas voté, ce qui a permis à Trump de gagner. Si un président Biden ne propose pas une nouvelle direction, c’est bien probable qu’on verra le retour d’un trumpisme encore plus amplifié d’ici quatre ans.

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