La publication du palmarès annuel des écoles secondaires est de retour, entraînant avec elle son lot d’incompréhension, de paradoxes et de dérives.

D’entrée de jeu, le palmarès est essentiellement un amas de statistiques à être interprétées par ceux qui s’y intéressent. Or, ces intéressés manquent malheureusement l’essentiel de ce qu’il faut considérer pour choisir de façon éclairée l’école secondaire de son enfant et trouver la réponse à une question fondamentale : qu’est-ce qu’une bonne école ?

Premièrement, j’ai eu l’occasion de participer à deux conférences de Pasi Salhberg, professeur à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud en Australie et un des architectes de la réforme de l’éducation finlandaise. Faisant l’éloge des « données locales » (small data) par rapport aux incontournables « mégadonnées » (big data), il nous rappelle que ce sont les observations du quotidien qui comptent, lesquelles sont réalisées dans l’action, par les enseignants, plutôt que les résultats aux épreuves ministérielles. En effet, cette lecture de l’action permet aux enseignants de moduler leurs approches pédagogiques en fonction des besoins des élèves au moment opportun, alors que les mégadonnées, elles, expriment des tendances statistiques décontextualisées.

Or, ce sont les données locales qui importent et qui sont à la base des interventions scolaires et de la collaboration de l’école avec les parents. Ce sont celles-là qui doivent être valorisées. Voilà un premier élément qui permettra de choisir la bonne école pour l’enfant.

Un deuxième élément apparaît incontournable : l’école valorise-t-elle un enseignement en vue des résultats aux épreuves ministérielles ou encourage-t-elle des interventions scolaires qui s’avèrent de plus en plus importantes à notre époque : citoyenneté numérique, compétences humaines, entrepreneuriat étudiant, leadership, engagement communautaire, etc. ? Rappelons que la mission de l’école québécoise est d’instruire et de qualifier, certes, mais aussi de socialiser.

Le poids des résultats

Troisièmement, il faut le dire : la pression que la publication du palmarès place sur les épaules de la direction est lourde et cette lourdeur se transmet inévitablement aux enseignants ainsi qu’aux élèves. Pour les enseignants, cela se traduit par une importance implicite à enseigner aux élèves comment réussir une épreuve ministérielle et obtenir de bons résultats scolaires, et cela, bien souvent, va à l’encontre du programme axé sur le développement des compétences. De plus, cela occulte souvent le transfert des connaissances dans des contextes authentiques et le développement des compétences au programme, ce qui se fait lentement, sur la durée d’un cycle, voire d’un parcours scolaire complet. Pendant ce temps, les enseignants craignent de changer leurs approches pédagogiques, préférant se cantonner dans celles qui ont fait leurs preuves.

Le palmarès des écoles secondaires ne favorise certainement pas l’audace et la créativité pédagogiques chez nos enseignants, alors que c’est ce que nous aimerions voir émerger.

Pour les élèves, ce n’est certainement rien pour aider l’anxiété qui est, malheureusement, omniprésente dans nos écoles, et ce, bien plus que la COVID-19 !

Bien qu’il faille reconnaître un exercice démocratique derrière ce palmarès, il n’en demeure pas moins qu’un tableau regroupant diverses statistiques pour quelques centaines d’écoles ne représente pas la réalité de ces mêmes écoles. Étant moi-même père, je préfère de loin me déplacer pour visiter les écoles secondaires que mes propres filles convoitent et voir avec elles comment elles pourront s’investir dans les activités scolaires proposées et se développer en tant que citoyennes du monde. Plus que jamais, pour paraphraser Montaigne, nous avons besoin de têtes bien faites plutôt que bien pleines… temporairement, jusqu’à l’examen !

Le vrai palmarès, c’est celui des anciens élèves qui reviennent fièrement témoigner à leurs anciens enseignants leur appréciation en menant une vie équilibrée ancrée dans le siècle actuel. Après tout, la réussite de notre système d’éducation se résume-t-elle à des notes dans un bulletin ou à des élèves qui s’épanouissent dans leur parcours scolaire et, ensuite, dans leur vie ? Dirigeant des écoles primaires et secondaires depuis 15 ans, je m’enorgueillis bien plus de ce que mes élèves deviennent plutôt que des notes qu’ils ont eues, desquelles je ne me souviens pas !

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