Les mesures prises pour limiter le nombre de personnes infectées à la COVID-19 engendrent des conséquences économiques possiblement dévastatrices pour la santé de millions de personnes. À quel moment le remède devient-il pire que la maladie ?

Comprenons-nous bien : les mesures sanitaires que les gouvernements du monde entier ont mises en place sont absolument nécessaires. Mais simultanément, elles plongent l’économie mondiale dans une récession qui aura aussi des conséquences sur la santé pour des années à venir. Il faut en prendre conscience maintenant.

Les gouffres abyssaux

Une réduction de l’activité économique force les grandes entreprises à réduire leurs dépenses, entraînant dans leur sillage des millions de plus petits fournisseurs. Elle diminue les revenus de l’État. Des travailleurs perdent leur emploi. Leurs familles en souffrent. Ultimement, leur santé en pâtit.

Il ne faut pas remonter à très loin pour en avoir la preuve. Lorsque la récession de 2008 a frappé, des pays comme la Grèce, l’Italie et l’Espagne ont enregistré une augmentation importante des problèmes de santé, principalement ceux qu’on appelle « les maladies du désespoir », comme l’alcoolisme, la dépendance aux drogues et les suicides. Les conséquences sont sérieuses.

Sauf que l’impact que la pandémie aura sur les inégalités à l’échelle mondiale l’est encore plus.

Le Canada a déjà investi plus de 15 % de son PIB annuel en plans d’aide et de relance. C’est sept fois plus que l’investissement requis pour nous sortir de la crise de 2008 !

Dans l’histoire économique de notre pays, nous n’avons jamais vu de tels investissements. Il ne faut pas aller à l’autre bout du monde pour trouver un contre-exemple. Le Mexique n’a pas investi plus de 1 % de son PIB dans la relance. Si l’on se fie aux économistes, tout porte à croire que la relance est plus forte et plus rapide dans les États qui investissent massivement. Ainsi, il faut s’attendre à ce que les inégalités mondiales se creusent encore plus vite qu’avant. Lorsque les États s’appauvrissent, les soins de santé en souffrent nécessairement.

Un cercle vicieux

Il y a encore beaucoup d’incertitude sur la durée et la gravité de la crise dans laquelle nous nous enfonçons. Mais si l’impact économique de la pandémie ne peut être quantifié avec certitude, tout porte à croire qu’un dangereux cercle vicieux d’appauvrissement et d’affaiblissement de la santé collective soit en marche.

Combien de projets de recherche et développement en santé sont présentement mis à l’arrêt ou annulés ? Combien de projets d’études universitaires ont-ils été abandonnés par de jeunes citoyens ? Les investissements en recherche ou en éducation, peu importe l’échelle, contribuent directement à l’amélioration de la santé collective.

C’est aussi vrai pour les investissements privés. Ils créent des emplois, améliorent les salaires, et permettent de sortir des citoyens de la précarité. Combien de ces investissements sont maintenant incertains, ou carrément annulés ?

Il faut réaliser que les vies de nos proches étaient peut-être sur le point de s’améliorer grâce à la croissance de l’économie. Elles sont peut-être sur le point d’empirer en raison de la pandémie.

Alors, je me permets de poser la question : quand le bilan du nombre de personnes atteintes de la COVID-19 sera-t-il supplanté par le nombre de personnes atteintes d’un problème de santé découlant de la chute de nos économies ?

C’est une question légitime, qui nous confronte à notre vision du monde. Protéger des vies aujourd’hui, c’est en mettre d’autres en péril demain. Tristement, l’inverse est aussi vrai : rouvrir les valves de l’économie trop vite, c’est risquer des vies dès maintenant.

Un dilemme que nos valeurs et notre vision du monde peuvent difficilement résoudre.

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