En raison de la pandémie, de la détérioration de la situation économique et des tensions sociales liées au racisme et à la polarisation politique, les enjeux de politique internationale ont été relégués au second plan dans la campagne électorale américaine. C’est le cas des relations sino-américaines, qui est sans doute l’enjeu international le plus important à moyen et long et terme pour les États-Unis et le reste du monde.

Dès la campagne de 2016 et tout au long de sa présidence, Donald Trump a fait de la Chine un des principaux boucs émissaires pour les problèmes qui affligent le pays : le déclin du secteur manufacturier, la stagnation de la classe moyenne et la pandémie. Pour lui, la Chine est non seulement un concurrent déloyal, mais une menace existentielle qu’il faut contrer par tous les moyens. La diabolisation de la Chine a porté ses fruits. Selon Pew Research, les opinions défavorables par rapport à la Chine s’élèvent maintenant à 75 % (83 % chez les républicains et 68 % chez les démocrates), une forte hausse depuis la fin de la présidence Obama.

Sur le plan économique, Trump a déployé tout l’arsenal protectionniste : hausse des tarifs, pressions et incitatifs financiers pour que les entreprises américaines en Chine rapatrient leur production et interdiction de certains investissements chinois en sol américain. Plus récemment, il a adopté une stratégie encore plus agressive pour freiner l’ascension du secteur technologique chinois. Au nom de la sécurité nationale, le gouvernement américain a imposé un boycottage de la technologie et des produits 5G de Huawei, le géant chinois des télécommunications. Sous la menace de représailles, il a aussi exigé que les partenaires commerciaux et alliés des États-Unis emboîtent le pas. Certains ont accepté à contrecœur, d’autres résistent toujours. Les États-Unis ont aussi limité l’accès de l’entreprise aux semi-conducteurs, un élément clé dans le développement de la technologie.

Dans un nouveau mandat, Trump promet d’accentuer la pression sur la Chine, au détriment de la stabilité économique et politique du monde. Pourtant, dans les prochaines années, la Chine continuera d’être un marché très important qui générera des technologies novatrices dans plusieurs secteurs.

Il serait naïf de croire que l’élection de Joe Biden impliquerait un retour à la normale. Non seulement la concurrence avec la Chine s’est intensifiée, mais un président Biden devrait composer avec une opinion publique plus défavorable à la Chine et une aile gauche en pleine ascension qui privilégie une politique commerciale axée sur la protection des emplois manufacturiers. Reste à voir si les élus républicains, une fois affranchis de Trump, afficheraient une position plus nuancée à l’égard de la Chine.

Biden veut du changement

Pour Biden, les relations économiques avec la Chine doivent changer. Il propose une meilleure protection des brevets et des secrets industriels, veut empêcher le transfert obligatoire de technologies pour une entreprise qui s’implante en Chine, et limiter les barrières non tarifaires, les subventions illégales et la manipulation des taux de change. Il promet aussi que les nouvelles ententes commerciales comprendront des exigences vérifiables pour les normes du travail, les droits de la personne et l’environnement. Biden n’écarte pas la possibilité d’utiliser les tarifs et les sanctions ciblées en coordination avec ses alliés, mais il croit que ces objectifs peuvent être atteints par la négociation et une réglementation plus stricte.

Biden est convaincu que l’accroissement de la compétitivité des entreprises américaines est le meilleur moyen pour concurrencer la Chine. Pour ce faire, il envisage des investissements fédéraux « sans précédent » dans la recherche et le développement, la formation de la main-d’œuvre et les infrastructures.

Parmi les secteurs prioritaires : l’intelligence artificielle, les télécommunications, la biotechnologie, l’aérospatiale, les matériaux avancés et les énergies propres. Dans ce dernier secteur, où la Chine est à l’avant-garde, des investissements massifs de 2000 milliards sur quatre ans sont prévus.

Les démocrates envisagent le rapatriement des chaînes d’approvisionnement internationales dans certains secteurs critiques, dont les équipements médicaux et les produits pharmaceutiques, qui ont fait cruellement défaut pendant la pandémie. Finalement, Biden propose des crédits d’impôts pour soutenir le secteur manufacturier intérieur, et une politique « Buy America » plus musclée qui s’appliquera notamment aux contrats octroyés par les gouvernements.

Sur le plan géopolitique, Biden a l’intention de solidifier les alliances, de réinvestir dans la coopération internationale, de mener une politique commerciale moins conflictuelle avec les pays alliés et de rebâtir la crédibilité des États-Unis. Il veut aussi réintégrer l’Accord de partenariat transpacifique (abandonné par Trump), conçu par les États-Unis et leurs alliés dans la région pour faire contrepoids à l’influence grandissante de la Chine. Il entend aussi condamner les actions de la Chine à Hong Kong et la répression des Ouïghours et d’autres minorités.

Biden n’a pas l’intention de suivre Trump dans une guerre froide contre la Chine, qui forcerait le reste du monde à choisir un camp, au détriment de la sécurité collective et des intérêts économiques. Reste à voir dans quelle mesure les deux superpuissances sauront jauger concurrence économique et coopération pour faire face aux grands enjeux planétaires.

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