Le romancier américain Philip Roth, dans son roman La tache primé tant en France qu’aux États-Unis, raconte l’histoire de Coleman Silk, professeur d’université de lettres classiques et ancien doyen.

Un jour, en cours, Silk s’étonnant de l’absence de deux étudiants qu’il n’a encore jamais vus ni connus, les traite de spooks, des spectres ou des fantômes dans son sens usuel, mais un mot qui en argot est parfois associé au terme de « nègres ». Or, il se trouve que les deux absents sont des étudiants noirs. Mis au courant du terme employé, ceux-ci déposent auprès du nouveau doyen une accusation de racisme contre Silk.

À la suite d’une cabale menée par le doyen et un groupe d’étudiants noirs, malgré ses dénégations et refusant de s’excuser, Silk est condamné pour racisme envers les Noirs et renvoyé de l’université. On apprend dans la suite du roman que Silk est lui-même de descendance afro-américaine, bien qu’ayant la peau peu foncée et s’étant toujours fait passer pour un juif blanc aux cheveux crépus pour échapper aux règlements ségrégationnistes sévissant encore au début de sa carrière universitaire.

Le livre est publié en 2000 à une époque où les campus américains commencent à souffrir des exigences du politically correct. De toute évidence, ce fléau sévit maintenant sur le campus de l’Université d’Ottawa. Le doyen de la faculté des arts a décidé de suspendre la professeure à temps partiel Verushka Lieutenant-Duval parce qu’elle avait employé dans un cours les mots « queer » et « nigger » comme exemples pour expliquer aux étudiants comment des termes insultants pouvaient avoir été réappropriés par les personnes concernées. Là aussi, des étudiants du cours ont accusé l’enseignante de racisme, ont incité d’autres étudiants à écrire au doyen de la faculté des arts pour se plaindre, et les journaux étudiants ont repris en chœur les accusations.

La décision de suspendre la professeure a été prise sans même rencontrer celle-ci ni obtenir sa version.

On peut comprendre que des jeunes d’une vingtaine d’années assoiffés de justice comme l’étaient mes confrères marxistes-léninistes, trotskistes, maoïstes ou partisans des Khmers rouges dans les années 70 aient du mal à faire des distinctions trop subtiles dans leur fougue à faire respecter la rectitude politique sur le campus, en affirmant que le « mot commençant par n » ne peut être utilisé que par les personnes de race noire.

Ce qui est incompréhensible, c’est que le doyen Kevin Kee se soit associé à cette cabale insensée.

En réaction, nombre de professeurs actifs et retraités de l’Université d’Ottawa ont dénoncé le clientélisme des hautes instances universitaires dans une lettre collective. Quant au recteur Jacques Frémont, il vient de réitérer le droit à la dignité des étudiants tout en soulignant que l’enseignante n’avait pas été renvoyée. Selon le journal étudiant Fulcrum, cette réaction mi-figue, mi-raisin a conduit une vingtaine d’associations étudiantes à exiger que le recteur dénonce et prenne des sanctions contre les professeurs signataires de la lettre collective.

Dans un texte universitaire que j’ai publié avec un collègue en 1985 où nous faisions une comparaison entre les francophones au hockey de la LNH et les joueurs noirs au baseball des ligues majeures durant les années 70, nous nous demandions « si les francophones sont les nègres blancs du hockey » en référence, bien sûr, au titre du livre bien connu de Pierre Vallières.

Les suppôts de la rectitude politique vont-ils demander que l’article soit expurgé de la revue où il a été publié ? Les associations étudiantes et le recteur vont-ils me demander de renoncer à mon titre de professeur émérite ?

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