En tant que regroupement formé d’anciens membres de l’équipe de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics (commission Viens), nous souhaitons exprimer nos sincères condoléances aux proches de Joyce Echaquan ainsi qu’à toute la communauté de Manawan. Comme l’ensemble du Québec, nous avons été profondément choqués d’apprendre les circonstances tragiques de sa mort le 28 septembre dernier.

Notre désarroi est d’autant plus grand que le racisme à l’encontre des membres de la nation Atikamekw Nehirowisiw fréquentant l’hôpital de Joliette était déjà connu de ses dirigeants. En effet, des récits de propos discriminatoires et de préjugés ayant entravé des diagnostics médicaux adéquats ont été courageusement rapportés par une vingtaine de témoins à la commission Viens, dont les procureurs ont fait part lors d’une audience publique le 28 septembre 2018 aux représentants du CISSS de Lanaudière. Ces derniers ont alors assuré vouloir changer les choses. Deux ans plus tard, nous constatons pourtant le racisme grave dont a été victime Joyce Echaquan à l’hôpital de Joliette.

Afin qu’un tel évènement ne puisse plus se reproduire, nous appelons ainsi fermement le gouvernement du Québec à véritablement mettre en œuvre les 142 appels à l’action du rapport de la commission Viens.

Rappelons que cette commission avait le mandat d’étudier le traitement réservé aux peuples autochtones du Québec par les services de santé, les services sociaux, la protection de la jeunesse, les services policiers, de justice et correctionnels. Dans son rapport déposé le 30 septembre 2019, le commissaire Viens affirme que « de nombreuses lois, politiques, normes ou pratiques institutionnelles en place sont source de discrimination et d’iniquité au point d’entacher sérieusement la qualité des services offerts aux Premières Nations et aux Inuits ». Cela l’amène à conclure qu’il lui semble « impossible de nier la discrimination systémique dont sont victimes les membres des Premières Nations et les Inuits ».

La semaine dernière, la ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours, a annoncé à l’occasion de l’anniversaire de dépôt du rapport que « sur 142 appels à l’action, 51 […] sont déjà terminés ou en voie de l’être » sans pour autant les énumérer ni témoigner de leur état d’avancement.

Nous ne pouvons que réfuter cette prétention et appeler le gouvernement à une plus grande transparence. En effet, d’après nos vérifications, nous pouvons affirmer que seule une infime minorité des appels à l’action ont été pleinement mis en œuvre. Nous sommes loin du bilan positif évoqué par le gouvernement même en interprétant de manière très généreuse les appels à l’action qui auraient pu être simplement « mis en chantier » de manière préliminaire.

De surcroît, alors que le rapport fournit des solutions concrètes afin de lutter efficacement contre la surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de la jeunesse, le gouvernement du Québec conteste actuellement devant les tribunaux une loi fédérale (PL C-92) qui vise justement à atteindre cet objectif et à reconnaître les pratiques autochtones en matière de soins et de bientraitance des familles.

Le fardeau de la preuve repose sur le gouvernement. S’il prétend, contrairement à ce que nous avons pu constater, avoir mis en œuvre plus du tiers des appels à l’action de la commission Viens, il lui revient de le démontrer en toute transparence. La mise en place d’un mécanisme de suivi indépendant pour s’assurer de la mise en œuvre du rapport, tel que le propose l’appel à l’action 138, remplirait certainement cet objectif.

Par respect pour les centaines de personnes entendues par la Commission dans tout le Québec et pour celles et ceux ayant souffert de racisme et de discrimination, nous réaffirmons la nécessité d’une mise en œuvre sincère, entière et en collaboration véritable avec les représentants des Premiers Peuples, des appels à l’action de la commission Viens.

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