Devant l’imminence de l’arrivée de la deuxième vague, les spécialistes de tout crin avaient prédit que celle-ci ressemblerait davantage à une déferlante qu’à une simple vaguelette. Inquiets, ils nous ont exhortés opiniâtrement à redoubler de prudence.

Dès que la vague est arrivée, un responsable du ministère de la Santé a aussitôt déclaré que le temps était venu pour nous de faire preuve d’une extrême prudence : « éviter les rassemblements inutiles comme les anniversaires, les mariages et… les funérailles (!) », car, selon lui, toute omission de sagacité dans ce domaine risquerait de nous être… mortelle.

Quelle époque épique où, le simple fait d’aller aux funérailles de quelqu’un, risque d’entraîner notre propre mort.

Repousser les libations d’un anniversaire ou d’un mariage, passe encore, mais repousser un décès me semble tenir de l’abracadabrantesque.

Il est clair que la pandémie a apporté avec elle une série de covidioties.

Ainsi, l’autre jour, j’ai lu sur la porte (close) d’un magasin : « Fermé pour cause de fermeture. Le magasin ouvrira à l’ouverture. »

Bonjour, La Palice !

Dans sa louable intention de nous prédire des jours meilleurs, un élu, voulant être rassurant, y est allé de cette formule gagnante : « On va y arriver ! Serrons-nous les coudes ! »

J’ai eu beau essayer de suivre son conseil, mais je me suis heurté à un problème majeur. Celui de la distanciation. Ce monsieur pourrait-il me dire comment on fait pour se serrer les coudes… à 2 mètres de distance ? Je ne dois sûrement pas avoir le bras assez long.

Triste période qui favorise des réflexions imbéciles et des pseudo-connaissances que, grâce à l’internet, le premier venu est libre de dispenser à la planète entière sans que personne ne puisse s’y opposer.

Sur les dents

Il y a quelques jours, à cause de l’apparition d’un petit trou dans une dent endolorie, j’ai eu recours au premier dentiste venu. Grâce à lui, j’ai réalisé à quel point le trou dans ma connaissance était titanique.

Après la piqûre, en attendant l’insensibilisation, l’olibrius a tenu à me faire part de ses recherches sur l’internet (!).

Les dentistes ont la fâcheuse habitude de nous poser plein de questions pendant qu’ils fourragent dans notre bouche. Ça leur permet sans doute de nous dire plus librement ce qu’ils ont sur le cœur.

« Saviez-vous que la COVID-19 a été créée dans un laboratoire franco-chinois ? » me demanda-t-il.

J’étais bouche bée. Il en profita pour en rajouter : « Le pire, c’est que ce fameux laboratoire dispose déjà du vaccin et compte s’enrichir en le vendant au monde entier le moment venu ! »

Voyant à quel point son patient était pétrifié, il a poursuivi : « Le DFauci – un croche – est d’ailleurs dans le coup. Il a investi personnellement des millions dans l’affaire. »

Attendez, le pire est à venir !

« Je peux vous dire que le nouveau vaccin qui arrive contiendra des puces électroniques qui feront de nous des zombies en prescrivant à nos esprits les idées définies par un gouvernement mondial secret. C’est tout vu et bien documenté ! Les enfants qui le recevront deviendront tous autistes !

« Je vois qu’en arrivant ici vous portiez un masque.

« Vous ne savez donc pas que le port de celui-ci – qui est liberticide – empêche une respiration de qualité et nous étouffe lentement. Le véritable objectif du masque est de lutter insidieusement contre la surpopulation en éradiquant une bonne part de l’humanité ! »

En plus d’avoir la bouche gelée, je me suis mis à avoir froid dans le dos. Bonjour l’ambiance !

Je n’ai jamais été un patient aussi impatient de quitter la chaise du dentiste.

Avant de me laisser partir, il m’en a resservi : « Je ne suis pas un farfelu. Vous pouvez me croire. Je suis un scientifique ! Je peux vous assurer que la Terre est plate et que jamais personne n’est allé sur la Lune. Tout ça, c’est des bobards ! »

Aujourd’hui, hélas, tout le monde peut affirmer tout et son contraire. Nous sommes envahis par des propositions loufoques, argumentées ou inventées, et nous ne trouvons plus personne de sérieux pour nous montrer la voie de la raison.

Avant de quitter le cabinet, où je me sentais de plus en plus perdu qu’en sécurité, je me suis rassuré en me disant que l’homme me mentait sûrement comme… un arracheur de dents.

J’avais ma main sur la poignée de porte quand, dans un effort ultime de me convaincre, il m’a invité à sortir mon cellulaire.

« Allez sur Google, tapez n’importe quel chiffre qui vous passera par la tête et faites-le suivre des mots NEW CASES. Répétez l’opération autant de fois que vous voudrez et vous aurez la preuve que je n’invente rien… et là, nous deviendrons solidaires. »

C’est l’infectiologue Charles Nicolle qui a dit, en 1933, que « la connaissance des maladies infectieuses enseignait aux hommes qu’ils étaient frères et solidaires ».

Solidaires ?

Il n’a pas connu mon dentiste…

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