Cette lettre s’adresse au premier ministre du Québec, François Legault, et à la ministre responsable des Affaires autochtones, Sylvie D’Amours

Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre responsable des Affaires autochtones, vos récentes déclarations concernant la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA) et assimilant les peuples autochtones à un quatrième parti de l’opposition ont interpellé Amnistie internationale.

Amnistie documente depuis de nombreuses années les violations des droits de l’homme commises à l’encontre des peuples autochtones du Québec. Nous travaillons en partenariat avec les communautés autochtones du Québec et les organisations et institutions qui les représentent et défendent leurs droits et leurs intérêts.

Alors que le 13 septembre marquait le 13e anniversaire de l’adoption de la DNUDPA et que le 30 septembre marquera le premier anniversaire du dépôt du rapport de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec (commission Viens) recommandant la mise en œuvre de la DNUPDA, nous nous expliquons mal votre irritation, votre tergiversation, votre blocage.

Essentiellement, la DNUDPA réaffirme que les droits des peuples autochtones sont des droits de l’homme. En outre, elle reconnaît que les peuples autochtones « ont subi des injustices historiques, à cause, entre autres, de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources ». Injustices qui se perpétuent et continueront de se perpétuer tant et aussi longtemps que justice et réparation n’auront pas lieu. Ce n’est qu’à ce titre qu’il pourra y avoir réconciliation.

Nombre de rapports ont été réalisés au cours des dernières décennies depuis le Rapport de la Commission royale d’enquête sur les peuples autochtones déposé en 1996. Tous aboutissent aux mêmes constats et aux mêmes grandes recommandations. Il est plus que temps de reconnaître les torts historiques commis à l’encontre des peuples autochtones du Québec et de les réparer.

À l’heure où, partout sur la planète, les peuples se mobilisent pour dénoncer le racisme systémique, nous ne pouvons nous payer le luxe d’un débat sémantique et encore moins prétendre que cela existe partout sauf au Québec. Le rapport de la commission Viens reconnaît qu’il y a une discrimination systémique au Québec à l’encontre des peuples autochtones et que celle-ci se fonde sur un héritage colonialiste. Lequel place les autochtones en dessous des descendants des peuples européens blancs colonisateurs, dits les peuples fondateurs. Il est donc bel et bien question de discrimination raciale.

M. Legault, Mme D’Amours, vous avez l’occasion de marquer l’histoire. Il est temps d’en finir avec l’héritage colonialiste et ses effets dévastateurs. C’est en mettant en œuvre le DNUPDA que vous le ferez, tel que le prescrit la troisième recommandation du rapport de la commission Viens, soit de « procéder, en collaboration avec les autorités autochtones, à l’élaboration et à l’adoption d’une loi garantissant la prise en compte des dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le corpus législatif relevant de ses compétences ».

Notons qu’il est dit « en collaboration avec les autorités autochtones ». Ces autorités, se sont aux peuples autochtones de décider qui elles sont. Cela se fera selon leurs conditions ? Bien entendu, comment pourrait-il en être autrement ? Nous parlons de corriger de très graves injustices commises à leur encontre depuis des centaines d’années. Ce sera long et douloureux. L’heure est à l’humilité, Madame la Ministre, Monsieur le Premier Ministre.

Bien que n’abordant pas la raison pour laquelle la Commission avait été mise sur pied, soit les violences commises à l’encontre des femmes autochtones par les corps policiers, le rapport Viens émet à plusieurs égards des constats qui imposent notre abnégation, dont celui-ci : « Plus encore que leurs droits, c’est la dignité de milliers de gens qui est ainsi spoliée, parce qu’ils sont maintenus dans des conditions de vie déplorables, en marge de leurs propres référents culturels. Dans une société développée comme la nôtre, ce constat est tout simplement inacceptable. »

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