En 1997, Pauline Marois, alors ministre dans le gouvernement du Parti québécois, lance les garderies à 5 $ par jour par enfant (maintenant 8,35 $) dans des centres de la petite enfance (CPE). L’État finance le reste des coûts. Dès lors était né un réseau de gardiennage d’enfants en phase préscolaire. Ainsi, les couples ayant des enfants en bas âge allaient pouvoir participer pleinement au marché du travail.

Mais la prise en charge de la petite enfance suivra subséquemment une voie sinueuse face aux contraintes budgétaires. Actuellement (rapport Québec 2018), les 1570 centres de la petite enfance desservent 96 000 enfants, soit seulement le tiers du total de la clientèle québécoise visée (304 000 enfants). Par conséquent, des structures parallèles firent leur apparition, notamment 713 garderies privées subventionnées (clientèle : 47 108 enfants) et 1275 garderies non subventionnées (clientèle 69 796 enfants). Ces dernières ne sont pas soumises aux règles étatiques en matière de facturation du client.

Mais le système précité ne suffit pas à capter les 304 000 enfants du Québec, âgés de moins de 6 ans et ayant des besoins de gardiennage. Par conséquent, 91 604 enfants prennent la voie de l’une ou l’autre des 12 779 garderies familiales, logées souvent dans des sous-sols de résidences, qui ont fait leur apparition ici et là.

C’est là que le bât blesse ! Une grève est annoncée pour septembre 2020. Les femmes qui accueillent des enfants à leur domicile (les hommes représentent moins de 3 % de cette force active) se voient à bon droit davantage comme des « responsables de services éducatifs » que des gardiennes d’enfants.

Représentées essentiellement par la Centrale des syndicats du Québec, elles déclarent conserver, une fois les dépenses assumées, un maigre salaire horaire de 12,42 $, ce qui est en deçà du salaire minimum de 13,25 $ l’heure.

Prendre soin d’enfants à domicile génère certes un travail fantôme en surcroît des heures dites régulières. Ces femmes souhaitent obtenir la moyenne du salaire versé à une éducatrice débutante en CPE, soit un taux horaire d’environ 16 $ à huit heures par jour. Reste à trouver un emploi comparateur susceptible de le justifier ou de le bonifier dans une démarche d’équité salariale.

Mais l’aval du bailleur de fonds, le gouvernement du Québec, est requis. Ces femmes sont considérées comme des travailleuses autonomes. Ainsi, elles n’ont pas droit aux dispositions de la Loi sur les normes du travail. En outre, en décembre 2003, le gouvernement du Québec les déclara non syndicables en modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance. Mais cette loi fut cassée en Cour supérieure en 2008, qui jugea qu’elle ne respectait pas la liberté de négociation prévue à la Charte des droits et libertés. En conséquence, une autre loi adoptée en 2009 leur a accordé officiellement le droit de se regrouper à des fins de négociation collective.

Les salariés des CPE et des garderies privées bénéficient généralement d’un régime formel de conditions de travail déjà négocié. Mais voilà que ces femmes des garderies familiales, que l’histoire présente comme des douces, cognent à la porte du Conseil du trésor en une période singulière. Plusieurs d’entre elles ont décroché. Pandémie aidant, elles ont fermé boutique. Ainsi, plus de 10 000 places auraient disparu d’un coup dans le réseau surchauffé de la petite enfance. Dès lors, le gouvernement du Québec se retrouve avec un autre « singe sur ses épaules ».

La facture modique pour l’utilisateur rend ce système québécois exemplaire en Amérique du Nord. Globalement, il coûte cher, mais il fait travailler davantage de Québécois qui contribuent, par leurs taxes, au financement de l’État. Au moment où le gouvernement du Québec semble embourbé dans ses négociations collectives avec ses employés, c’est maintenant au tour des responsables de services éducatifs des garderies familiales de faire grincer leur roue.

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