À la fin du mois d’août, La Presse a rapporté que 30 % des élèves des cégeps de Montréal mettraient les pieds au moins une fois par semaine dans leur établissement scolaire pour suivre leur formation.

Je serais curieuse de connaître la méthodologie pour atteindre ce chiffre, parce qu’autour de moi, les enseignants n’ont eu d’autre option que le virtuel, même pour les élèves fraîchement arrivés du secondaire.

Lisez l'article de Daphné Cameron

La situation est très malheureuse, mais serait récupérable si les directions des cégeps assuraient qu’elle est temporaire et qu’elle n’augure en rien le début de la fin des cours en classe. Or, rien ne laisse présager le retour en classe ; certainement pas l’ambiance générale de résignation face au virtuel qui plane sur le terrain et qui plombe le moral, la motivation et la passion des enseignants.

L’enseignement de demain ne peut pourtant pas oublier la principale leçon du confinement : les humains ont un besoin viscéral d’interagir avec d’autres humains en chair et en os. Pour conserver un bien-être, une santé mentale et… pour apprendre.

Parce qu’apprendre est un acte qui n’implique pas seulement la tête, mais aussi le corps et les émotions. Sans le corps, il n’y a aucun toucher, et sans le toucher, on ampute un important canal d’apprentissage.

Les psychologues nomment cette faculté du corps à soutenir les habiletés intellectuelles « cognition incarnée ». C’est pourquoi on comprend mieux et on mémorise davantage les informations d’une histoire imprimée sur papier qu’affichée à l’écran et qu’il est plus efficace de mémoriser la matière lorsque la prise de notes est manuscrite plutôt que tapée au clavier. Ce serait une catastrophe pédagogique de croire que la même logique ne puisse s’appliquer aux contenus enseignés sur Zoom

En plus d’être dénués d’expériences physiques, les cours en ligne, qu’ils soient synchrones ou asynchrones – pour adopter les termes du moment –, n’offrent que des échanges vidés ou, du moins, appauvris d’émotions, comme l’expliquait le neuropsychologue François Richer dans une récente lettre publiée dans ces pages.

Sans émotions, la communication d’une passion devient quasi impossible. Résultat : l’apprentissage en écope et devient plus difficile et volatile.

Les élèves eux-mêmes recherchent un enseignant passionné pour assister en quelque sorte à une pièce de théâtre qui marquera leur identité, leur parcours de vie, et voir les choses différemment serait une autre catastrophe pédagogique. Le maintien des cours derrière un écran au collégial tuerait dans l’œuf la transmission de cette passion, laquelle est souvent décisive à la poursuite ou non des études universitaires.

Ce texte est écrit parce qu’il y a dans le monde enseignant une réelle peur que les cours en chair et en os soient déjà un concept dépassé. Une crainte que les spécialistes de l’éducation et des technologies de l’information profitent de la crise sanitaire pour déployer pleinement leur jargon et implanter durablement leur ambition : mettre en place des projets virtuels structurants, basés sur une technologie innovante, porteurs de défis humains qui seront aplanis par d’autres projets virtuels structurants, basés sur une technologie encore plus innovante…

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