Il était quelque peu réconfortant de voir, au cours des derniers jours, des milliers d’enfants reprendre la route des classes. Ils renouent avec l’apprentissage, retrouvent leurs amis et recouvrent un semblant de normalité après des mois d’inconnu.

Mais pour plusieurs parents, élèves et membres du personnel des établissements scolaires, cette rentrée est bien sûr source d’inquiétudes. Ayant moi-même deux enfants fréquentant l’école secondaire du réseau public, je suis à même de constater la complexité de maintenir la distanciation physique et d’assurer la salubrité des lieux et des équipements. Mille et une choses doivent être mises en place pour s’assurer que l’enseignement à nos élèves puisse se faire sans contribuer à l’éclosion de nouveaux cas. Comme président d’une centrale syndicale représentant des milliers de travailleuses et de travailleurs œuvrant du transport scolaire jusqu’aux derniers cycles universitaires, pas une journée ne passe sans qu’on m’interpelle à ce sujet.

Tous s’entendent sur le fait que cette rentrée doit être un succès. Pour la CSN, celui-ci repose sur deux facteurs primordiaux : la clarté des consignes ministérielles et la disponibilité des ressources, tant humaines que matérielles.

Bulle-classe et service de garde

L’approche du gouvernement afin de minimiser les risques de contagion repose sur le concept de bulle-classe lors des heures d’enseignement. Mais qu’en est-il dans les services de garde à l’arrivée, sur l’heure du dîner et en fin de journée ? En temps normal, ces services sont utilisés par près des deux tiers des enfants en âge scolaire.

Les consignes du ministère de l’Éducation se limitent à indiquer (en page 9 de son Plan de la rentrée scolaire) que les écoles doivent « privilégier, lorsque possible, le regroupement des élèves selon les groupes-classes ». Or, les représentants du Ministère admettent l’impossibilité d’une telle chose.

Les ratios usuels d’une éducatrice pour vingt élèves s’appliqueront, mélangeant ainsi, chaque jour, les élèves de différentes bulles-classes au gré des aléas de fréquentation.

Nous savons que la pénurie de main-d’œuvre touche particulièrement celles-ci. Le ministre Roberge doit utiliser les ressources annoncées par Ottawa pour embaucher le personnel supplémentaire requis. Il est, par ailleurs, déplorable que le ministère de l’Éducation n’ait aucune donnée – ou ne désire les partager – quant au nombre d’éducatrices en service de garde manquant à l’appel.

Alors que les conducteurs d’autobus scolaires sont nombreux à être âgés de plus de 65 ans, Québec tarde encore à obliger les transporteurs à installer des parois de protection assurant leur sécurité, une mesure pourtant appliquée à l’ensemble des sociétés de transport municipal. Ce laxisme gouvernemental ne sera pas toléré plus longtemps – d’autant plus que les 2 milliards annoncés par le fédéral permettent justement l’appui au transport scolaire.

Quiconque connaît un tant soit peu les conditions de travail des employés de soutien de nos écoles publiques sait de quoi il en retourne : des postes la plupart du temps précaires, à temps partiel ou soumis à des horaires brisés (quelques heures le matin, quelques heures la fin de la journée). Selon une enquête réalisée par la CSN auprès de 2700 répondants œuvrant dans les écoles primaires et secondaires avant l’apparition de la COVID-19, 59 % de ceux-ci désireraient travailler un plus grand nombre d’heures chaque semaine.

Alors que les besoins grandissent dans ce contexte de pandémie, le ministère de l’Éducation devrait envoyer une consigne claire aux employeurs de consolider le plus possible des postes à temps plein afin de répondre adéquatement aux défis supplémentaires posés par l’actuelle rentrée scolaire.

Pour assurer la sécurité des enfants, du personnel et, par conséquent, de l’ensemble de la société, il sera primordial que les équipements de protection et le matériel sanitaire soient en quantité suffisante. À ce sujet, nous demandons au gouvernement de faire preuve d’une plus grande transparence qu’au printemps dernier. Alors que le Québec était aux prises avec de graves problèmes d’approvisionnement (particulièrement en masques), les porte-parole du gouvernement, le premier ministre en tête, ont toujours martelé qu’aucun établissement de santé n’avait manqué d’équipement.

Bien peu nombreux sont ceux qui croient encore cette affirmation aujourd’hui. Dans les faits, les stocks étaient rationnés, inaccessibles, inappropriés ou carrément barrés sous clé. Nous ne tolérerons pas que cette situation se reproduise à nouveau.

Pendant les premiers mois de la crise, le ministère de l’Éducation et le cabinet du ministre Jean-François Roberge n’ont pas toujours fait preuve de transparence et d’écoute comme nous l’aurions souhaité. Le prétexte d’urgence et d’inconnu invoqué au printemps ne pourra être invoqué éternellement pour justifier le manque de consultation préalable des principaux acteurs du monde de l’éducation. Nos membres ne souhaitent pas seulement être informés des décisions du Ministère, mais veulent également contribuer à l’élaboration des solutions à mettre en place. Si nous voulons que cette rentrée scolaire soit un succès malgré ces temps difficiles, tous et toutes doivent mettre l’épaule à la roue.

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