Le recul du français au Québec et particulièrement à Montréal soulève avec raison des inquiétudes périodiquement. Bien entendu les causes de cette dérive sont multiples et largement connues, comme le déficit démographique qu’il faut contrebalancer par l’immigration surtout concentrée à Montréal, l’attractivité de l’anglais sur le plan international ainsi que l’insuffisance de nos lois en matière de promotion et de défense du français.

Malheureusement les solutions avancées par les partis politiques et les élites reflètent souvent une attitude de repli ou d’hostilité à peine déguisée contre les anglophones et les allophones sans qu’on prenne la peine de s’interroger et surtout de réagir face au manque d’attractivité du français parlé dans plusieurs de nos médias.

À la radio et à la télévision, chez plusieurs chroniqueurs et animateurs qui parlent en ondes quotidiennement, trop souvent le français s’étiole, l’étendue du vocabulaire rétrécit, les contractions systématiques se multiplient, les standards de base disparaissent, les emprunts à l’anglais s’additionnent, la grammaire fiche le camp. Comme francophone d’origine, immigré au Québec en 1968, j’en viens moi-même à éprouver des difficultés, à buter sur des mots, à trébucher sur des accords, preuves s’il en est que la bonne pratique d’une langue peut se perdre à force d’être combattue.

Ce qui est désolant c’est que rien n’est fait pour corriger le tir, se remettre en question autant à titre individuel ou à l’initiative d’institutions comme Radio-Canada, TVA, Télé-Québec et les stations privées de radio.

Depuis des décennies, les capsules du conseiller linguistique de Radio-Canada, longtemps affublé ironiquement du titre d’ayatollah de la langue, et contrairement à l’étendue de ses pouvoirs, ne ciblent pas les bonnes choses. Elles font plutôt penser à une opération cosmétique consistant à repeindre le mât d’un navire au moment où il coule.

Chaque pays francophone a ses propres défis pour préserver son héritage de la langue française et pour assurer son développement harmonieux. Le Québec y contribue aussi, à sa manière, notamment en inventant de nouveaux termes technologiques français. Par ailleurs, les accents et les expressions locales présents dans toute la francophonie, comme au Québec, en Gaspésie ou au Lac-Saint-Jean, tout cela est merveilleux et tellement riche et normal sans compromettre les bases communes de notre langue. C’est le cas en France, en Belgique en Suisse romande et dans de nombreux pays africains dont le français a souvent de quoi nous faire rougir.

Le meilleur et le pire

Le Québec fait partie de cet héritage avec toutefois la nuance importante que l’on y retrouve, à mon sens, une gamme trop étendue et croissante de la qualité entre le meilleur et le pire, particulièrement sur les ondes, le pire étant l’institutionnalisation passive et permanente des radios poubelles de Québec. Le malheur c’est que le Conseil de presse du Québec n’a aucun pouvoir pour y voir !

Quand on est assiégé comme peut l’être le Québec face à l’anglais en Amérique du Nord, il importe, plus que jamais, de se protéger activement. Malgré leur courage et leurs luttes constantes, les francophones canadiens hors Québec et ceux de Louisiane illustrent de façon pathétique le phénomène insidieux de l’assimilation.

Un exemple révélateur d’abdication au Québec : tout au long de l’été, la radio 98,5 FM a diffusé un message publicitaire du quincaillier Réno-Dépôt pour promouvoir les activités « dans cour » en ces temps de pandémie.

Ce n’est là qu’un exemple d’un message qui, même en utilisant soi-disant le langage populaire, escamote avec insistance l’expression « dans la cour » en supprimant systématiquement l’article qui précède le mot « cour », tout le contraire d’une valeur ajoutée. Contactés à ce sujet, l’Office de la langue française et l’organisme chargé des normes de la publicité ont avoué avec gêne n’avoir aucun pouvoir pour agir. Aucun réflexe, aucune sensibilité, aucune fierté, aucun mécanisme, aucune volonté minimale pour oser contrer ce message repoussoir ! Comme dernier recours, on me renvoie au CRTC, lequel n’y peut rien non plus. Que voilà donc un domaine où le Québec dispose déjà de tous les pouvoirs !

Conclusion : en matière de publicité radiophonique, il n’y a aucune balise pour préserver la qualité du français au Québec. Plus grave encore, cette carence s’ajoute à l’absence d’exigences acceptables minimales en matière de français pour avoir le privilège de tenir un micro sur une base régulière en ondes. Il serait temps d’y remédier.

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