En réponse à la chronique de Hugo Dumas, « Escouade 99 : les sirènes de la diversité »*, publiée le 25 août

D’emblée, les propos sont nuancés et je suis d’accord avec l’idée générale que les questions de la représentation de New York et du Québec n’ont rien à voir. Le problème, à mon avis, ne réside pas tant dans la question de la représentation, mais dans l’angle sous laquelle elle est (encore trop souvent) abordée. L’accent est toujours mis sur la question raciale alors que le génie de Brooklyn Nine-Nine réside dans sa capacité à mettre en scène un kaléidoscope d’individus, porteurs de minorités « normalisées » ou « déproblématisées » dans la représentation.

Les personnages de la sitcom représentent des minorités sexuelles, religieuses et, bien sûr, ethnoculturelles, mais ces caractéristiques ne les définissent pas individuellement et ne sont pas au centre de la comédie. Qui plus est, les acteurs incarnent souvent des personnages aux antipodes des représentations plus traditionnelles. Rosa, au-delà d’être latina, joue un rôle habituellement réservé aux hommes. Les images qui viennent en tête en pensant au capitaine Holt ramènent à son intelligence, sa culture, son caractère unique. Pas son mari, lequel n’est pourtant aucunement nié ou occulté.

Quand on y pense, Brooklyn Nine-Nine met en scène une équipe où les deux figures d’autorité principales sont noires, les deux personnages les plus forts et déterminés sont des femmes. Le policier le plus imposant physiquement est le plus doux et un père aimant qui n’a pas peur de s’afficher ainsi. J’insiste, il faut y penser. Ce n’est pas ce qui est d’abord mis de l’avant. Ces facettes des personnages sont mises en scène banalement, comme l’une des multiples autres qui les composent.

Pour en revenir à la version québécoise, plutôt que de nous enorgueillir d’avoir reproduit le casting de deux personnes noires, demandons-nous s’il est possible d’en faire plus pour rester dans l’esprit d’un produit culturel.

Je ne souscris pas à l’idée qu’il faille absolument deux latinas pour jouer Amy et Rosa. Mais pourquoi pas ? Pourquoi ne pas non plus opter pour une Asiatique, une Arabe, qu’importe ? On ne demande plus seulement à voir des gens de couleur, on veut maintenant voir des gens de tous les horizons dont l’identité cesse de se limiter à la couleur de leur peau ou à un trait physique. Lorsque Stephanie Beatriz (Rosa) a appris que Melissa Fumero (Amy) avait obtenu le rôle d’Amy, elle avoue avoir complètement perdu espoir, convaincue que les producteurs n’engageraient jamais deux latinas. Elle explique que lorsqu’elle était jeune, tous les personnages étaient blancs et que les rares latinos jouaient des rôles marginaux ou stéréotypés.

Enfin, je rejette l’idée qu’il était impensable de faire cela parce que ça ne représente pas le Québec d’aujourd’hui.

Brooklyn Nine-Nine est complètement invraisemblable. On résout sept enquêtes à la minute, les personnages se retrouvent dans des situations tordues impliquant la mairie le matin et la mafia le soir. On n’écoute pas Brooklyn Nine-Nine pour le réalisme du quotidien policier. On l’écoute parce que c’est hilarant, que les personnages sont tous attachants à leur façon et parce qu’on traite d’enjeux sociaux et personnels sans que ce soit le point focal.

Bref, je n’ai pas la prétention de penser convaincre quiconque, mais je me suis dit qu’il était pertinent de poursuivre la conversation. Et, pour préciser, cette idée ne date pas du tweet de Fumero. Nous en avons parlé avec appréhension dès l’annonce de l’adaptation. Nous en avons reparlé avec désolation au dévoilement du casting. Lorsque le tweet est sorti, nous avons tristement hoché de la tête. La seule grande différence, c’est que la portée de nos voix n’équivaut en rien celle de l’actrice.

*Lisez « Escouade 99 : les sirènes de la diversité »

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