Le versement unique de 600 $ du gouvernement fédéral pour payer les dépenses extraordinaires liées à la COVID-19 engagées par les Canadiens handicapés a finalement reçu la sanction royale, mais c’est trop peu, trop tard, et beaucoup trop restrictif. Il exclut en effet ceux qui en ont le plus besoin.

La somme de 600 $ est loin des coûts mensuels supplémentaires que de nombreuses personnes handicapées ont engagés durant la pandémie. Il arrive quatre mois après que la plupart des autres Canadiens ont reçu du soutien, et bien après que le pays soit sorti du confinement. De plus, il laisse tomber 70 % des Canadiens handicapés.

Tout était en place pour prévenir cette situation. Que s’est-il passé ?

Nous avions un gouvernement fédéral qui faisait tout en son pouvoir pour soutenir financièrement les Canadiens pendant la pandémie, une ministre chevronnée de l’Inclusion des personnes handicapées intelligente et compétente, Carla Qualtrough, qui possède des antécédents impeccables dans le domaine des handicaps, ainsi que le solide Groupe consultatif sur la COVID-19 en matière de personnes en situation de handicap, qui est composé de défenseurs chevronnés.

Les personnes, les familles et les organismes n’ont ménagé aucun effort pour documenter l’étendue des besoins et des universitaires ont présenté des recherches, des statistiques et des analyses.

Et pourtant, semaine après semaine, alors que tout autre groupe de Canadiens vulnérables était reconnu et appuyé, la plus grande minorité du pays était mise en attente.

Quelles sont les causes de cette négligence ?

Certains diront que le gouvernement fédéral ne dispose pas d’un mécanisme pour joindre les Canadiens handicapés qui sont pauvres, qu’il s’agit d’une responsabilité provinciale-territoriale. Ses représentants souligneront avec justesse le manque de politiques et de hauts fonctionnaires possédant une expérience personnelle des handicaps. Ils rejetteront le blâme sur les manigances politiques.

Ils noteront avec raison l’absence d’un plan d’urgence destiné aux personnes handicapées et lié à la COVID-19. En revanche, quelques semaines après le début de la pandémie, le plan opérationnel de l’Australie pour les personnes handicapées avait été mis en œuvre.

Ce sont là toutefois des signes d’un état de fait plus profond : la discrimination systémique à l’égard des personnes handicapées.

Nos institutions gouvernementales sont imprégnées de la conviction que les personnes handicapées n’ont pas de valeur et sont, au mieux, des citoyens sous réserve de certaines conditions. Cet état d’esprit mène à l’approche du triage : une fois que nous nous serons occupés de tout le monde et de tout le reste, nous vous offrirons quelques miettes. Il mène également à l’erreur politique voulant que la majorité des Canadiens ne se soucient pas du traitement des personnes handicapées.

Cet état d’esprit destructeur ne peut pas être éliminé uniquement par davantage de recherches, de meilleures données, une meilleure défense des intérêts et des changements de politiques. Il doit faire l’objet d’une campagne de l’envergure de #moiaussi, #laviedesnoirscompte, Réconciliation et #IdleNoMore.

En plus de réclamer des réformes comme un programme national de supplément de revenu pour les Canadiens vivant avec un handicap, le moment est venu de prendre exemple sur ces mouvements sociaux.

Pour faire progresser les droits des personnes handicapées au Canada, nous devons tout d’abord unifier le mouvement. Les mouvements accomplissent trois choses que les personnes, les organismes et même les coalitions ne peuvent pas faire seuls. Ils favorisent le soutien populaire. Ils repoussent les limites de ce qui est socialement acceptable. Et ils encouragent l’audace politique.

Le mouvement des personnes handicapées au Canada n’est pas aussi uni qu’il pourrait l’être. Comme avec tous les mouvements, l’ego, le territoire, le chevauchement des mandats et la concurrence pour obtenir de rares ressources entraînent une division inutile.

Les voix des citoyens sont trop souvent éclipsées par celles des grands organismes. Et parfois, ce sont nos stratégies qui nous divisent.

Le mouvement des personnes handicapées doit concilier les différences et adopter une vision commune pour mettre à profit notre plein pouvoir social, politique, moral, culturel et économique.

Le mouvement doit ensuite mobiliser le grand public.

Oubliés

Brian Goldman, qui anime l’émission de radio de la CBC White Coat, Black Art, a consacré une de ses émissions à l’une des préoccupations des personnes handicapées : être oubliées. Après la diffusion, il a déclaré : « La faible réaction à notre émission confirme qu’ils ont raison. » La réalité, c’est que le grand public n’est pas mobilisé au-delà d’une occasionnelle histoire à succès ou d’un exposé de conditions de vie désespérées.

Le public ne se rend pas compte de l’étendue de la négligence et de l’indifférence dont les personnes handicapées font l’objet tous les jours. La majorité des Canadiens disent appuyer les initiatives d’accessibilité et d’inclusion.

Le moment est venu pour les personnes vivant avec un handicap et leurs alliés de présenter leurs préoccupations et leurs solutions directement au public, de faire leurs propres sondages d’opinion et de se mettre en rapport avec des vedettes, des autorités compétentes et des personnalités qui peuvent amplifier le message à l’intention de leurs concitoyens et de leur public.

Les Canadiens handicapés, leurs familles et leurs partisans ne peuvent peut-être pas influencer les décisions prises par le Cabinet ou le Cabinet du premier ministre. Nous pouvons cependant créer les conditions exigeant un prix politique à payer pour la discrimination.

* Al Etmanski vient de publier The Power of Disability (Berrett-Koehler Publishers, février 2020), Kathleen O’Grady est également chef de la direction du QUOI Media Group Inc.

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