Alors que le scandale lié à l’organisme de charité internationale WE Charity (UNIS) secoue la politique fédérale, le premier ministre du Québec et le candidat à la direction du Parti québécois Paul St-Pierre Plamondon parlent de « démondialisation » pour la relance post-pandémie, et l’Organisation mondiale de la santé est vertement critiquée pour sa gestion de la crise.

En cette journée mondiale de l’humanitaire, il convient de se questionner sur l’état de la coopération internationale. Alors que la mondialisation encourage la concentration de richesses dans les mains de quelques individus au détriment de 99 % de la population mondiale, les mouvements progressistes pour en limiter les effets sont minoritaires.

L’ordre mondial

Des compagnies minières s’approprient encore des terres autochtones en Amérique latine. Des femmes américaines font appel à des mères porteuses en Inde. Des travailleuses chinoises produisent des chaussures de luxe pour des salaires dérisoires. Des multinationales imposent l’allègement des normes de travail à des gouvernements du Sud en les menaçant de délocaliser leurs usines. Des travailleuses à Madagascar passent leurs journées à observer des photos violentes pour épurer nos fils Facebook de vidéos violentes.

Trois processus soutiennent ces inégalités internationales : l’exploitation économique, la dépossession (des terres, des savoirs et des vécus) et l’oppression (raciale et de genre, notamment).

En effet, la plupart des conséquences du mode de vie occidental consumériste, dont la crise climatique n’est qu’un exemple, sont externalisées vers des populations racisées et autochtones qui vivent majoritairement dans les régions qu’un vocabulaire obtus qualifie de « moins développées ».

Accuser l’autre

Les plus grandes victimes de la mondialisation aux États-Unis ou en Europe sont les travailleurs perdant leur emploi lors de délocalisations. Or, ces victimes peinent trop souvent à s’allier dans un projet commun contre ceux qui reproduisent un ordre mondial qui exploite et dépossède les populations, soit les entreprises et les élites économiques.

Loin d’associer leur malheur au pouvoir d’entreprises, d’organisations internationales et de pays occidentaux, ces travailleurs se laissent convaincre par des populistes que l’ennemi est l’immigrant ou le travailleur étranger qui ne leur ressemble pas. Suivant la rhétorique du Rassemblement national de Marine Le Pen ou du Parti républicain de Donald Trump, les Chinois, les Arabes, les Mexicains qui leur « volent leurs jobs » seraient devenus l’ennemi commun, quand ce ne sont pas les femmes voilées qui menaceraient leur « identité ».

Alors que la pandémie révèle qu’il est impossible d’échapper à notre connectivité internationale, la solution privilégiée est souvent un repli national qui revêt des habits xénophobes. Il est pourtant impératif de se réapproprier le discours antimondialisation dans un esprit de solidarité radicale entre les nations.

Internationalisme radical

Les crises comme celle que nous vivons et la crise climatique démontrent l’importance d’une position internationale solidaire qui doit s’étendre à nos relations Nord-Sud. Nous devons cesser d’attendre que les crises atteignent l’Occident pour bâtir des relations multilatérales plus solidaires.

Autour d’une sangria sur une terrasse ensoleillée, on s’échauffe pour défendre la redistribution ici, mais on critique les pratiques humanitaires et de développement international (qui ont encouragé un sous-développement chronique), les ONG (accusées de néocolonialisme) et l’aide internationale dite féministe (qualifiée de rhétorique vide).

Alors que bon nombre de ces critiques sont légitimes, la solution n’est pas un rejet pur et simple de toute coopération internationale, mais une solidarité décoloniale qui élimine la possibilité même de l’exploitation et de l’oppression d’une majorité par une minorité.

Il faut surtout cesser de victimiser les populations du Sud et les aider par charité, mais plutôt procéder à une redistribution de la richesse par solidarité.

Il faut empêcher les multinationales d’exploiter 99 % de la population mondiale, redistribuer la richesse au niveau international et repenser le développement international de manière décoloniale. Il est grand temps d’adopter une position antimondialisation qui relève d’un internationalisme radical et non d’un repli sur soi.

*Ce texte est basé sur le premier essai de Maïka Sondarjee, Perdre le Sud – Décoloniser la solidarité internationale (Écosociété, août 2020).

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