En 2015, un Libanais membre du Hezbollah fut arrêté à Chypre en possession de 8,5 tonnes de nitrate d’ammonium dans son sous-sol. Trois tonnes de ce produit ont également été découvertes à Londres et des centaines de kilogrammes furent découverts en Allemagne. Le Hezbollah a l’habitude de cacher ses entrepôts d’armes au sein de la population civile. Il semble bien que ce fut le cas à Beyrouth où 1800 tonnes de TNT furent entreposées non loin d’un entrepôt de 2700 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth. Le 4 mai, une détonation a fait plus de 150 morts, des milliers de blessés et laissé 300 000 personnes sans abri.

Le Liban fut longtemps qualifié de Petite Suisse du Moyen-Orient. Ce fut un pays au tourisme privilégié pour les populations du Golfe persique qui renflouaient l’économie libanaise. Bien des Occidentaux trouvaient des affinités avec le Liban qui a une culture francophone bien établie et une université américaine prestigieuse et voyaient en lui un pays de libertés publiques et individuelles, doté d’une économie libre, ouvert au dialogue interculturel et intercivilisationnel. Mais derrière cette image d’Épinal, le Liban faisait la sourde oreille, tout comme dans la chanson Tout va bien, madame la Marquise.

Car le Liban a été un pion entre les mains de puissances étrangères. Après le massacre de 20 000 Palestiniens par l’armée jordanienne en 1970, la Syrie permit à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) d’attaquer Israël par le Liban alors qu’aucun incident n’a été déploré à la frontière israélo-syrienne. Aussi, Israël occupera le Sud-Liban avant de s’en retirer au bout de deux décennies. Puis ce fut le tour de l’Iran d’occuper le Liban par un proxy, le Hezbollah, de le surarmer en encourant le risque d’une nouvelle confrontation.

Le général Aoun qui avait combattu le Hezbollah et l’armée syrienne retourna sa veste en 2006, plongeant encore plus le Liban dans un profond marasme. Il a pris la présidence du pays en 2016, permettant ainsi au Hezbollah de transformer le Liban en un avant-poste iranien. Ce fut l’un des calculs géopolitiques les plus hasardeux du Liban et dont les conséquences auront été désastreuses.

Une économie en chute libre

L’infrastructure économique du Liban s’est effondrée. Le système bancaire s’est écroulé, la disette sévit. Le secteur bancaire a accusé des pertes de 83 milliards de dollars. La livre libanaise a perdu 80 % de sa valeur. Les réserves financières sont épuisées. Le Liban ne peut financer les importations de carburant, de blé et de médicaments dont il a besoin. La Banque mondiale estime que 50 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté.

Le partage du pouvoir décidé sur une base confessionnelle – mesure intérimaire inscrite dans les constitutions de 1926, de 1943 et ratifiée en 1990 malgré les séquelles de la guerre civile qui dura 15 ans – fait perdurer le statisme et est propice aux conflits d’intérêts, aux passe-droits et au clientélisme. L’accord de Taef de 1989 qui prévoyait la transition graduelle du Liban vers un État civil n’a jamais été mis en application.

Le Hezbollah décide de la composition du gouvernement, prend les décisions politiques, occupe les ports. Le résultat est désastreux.

Même les libertés publiques ont souffert. Les médias libanais n’osent pas parler d’Israël autrement qu’en termes d’affrontement, vantant ad nauseam la résistance du Hezbollah qui, avec 15 000 missiles, a fait 53 victimes israéliennes, dont 40 civils en 2006. Des voix timides ont commencé à se plaindre de l’influence indue du Hezbollah qui fait la pluie et le beau temps au Liban. Au mois de juillet 2020, le patriarche maronite Bechara Rai a interpellé le gouvernement, plaidé pour la neutralité du Liban et a implicitement condamné le Hezbollah.

L’armée libanaise a été infiltrée par le Hezbollah et le Congrès américain remet en question l’aide annuelle de 220 millions de dollars destinée à l’armée libanaise.

Lorsqu’Israël a découvert des tunnels géants aboutissant à son territoire, le contingent de la Force intérimaire des Nations unies au Liban du Sud a demandé à visiter l’extrémité des tunnels en territoire libanais et en fut empêché par le Hezbollah et par l’armée libanaise. Pourtant, la résolution 1559 de l’ONU prévoyait le désarmement du Hezbollah. De fait, le Hezbollah dispose de plus de 120 000 missiles pointés vers Israël et un conflit finirait par rendre ce qui reste du Liban en poussière.

Les manifestations d’octobre 2019 exigeant un gouvernement responsable non sectaire et non corrompu n’ont pas abouti à une action structurante. Ce fut un cri de désespoir qui ne semble pas avoir été entendu. Le spectre d’une nouvelle guerre civile ne s’est pas estompé.

Il est encore temps pour le Liban de se ressaisir et de remonter la pente. La compassion internationale sera passagère tant que le Liban ne fera pas un audit interne et des réformes profondes, sans lesquelles l’aide internationale risque d’être siphonnée par une classe politique galvaudée.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion