Tel Nietzsche philosophant à coups de marteau, voilà que le commissaire Gary Bettman et ses sbires entreprennent de la même manière de sauver leur industrie, celle du hockey professionnel.

À coups de marteau, ils transformeront les amphithéâtres d’Edmonton et de Toronto en temple grâce à des photos et des écrans géants élevés à la gloire passée des joueurs. Et, à coups de marteau également, ils tenteront de nous faire avaler un simulacre de hockey professionnel.

Car, disons-le, il y a quelque chose d’absolument surréaliste de voir en plein mois d’août les équipes de hockey de la Ligue nationale de hockey (LNH) s’affronter alors que les arénas sont complètement vides de partisans.

Le commentateur a beau s’égosiller au micro pour tenter de créer une atmosphère enlevante dans nos salons, à moins que le Canadien gagne (chose plutôt rare), le courant passe difficilement. Les joueurs nous apparaissent souvent plutôt comme des pantins sur glace. C’est que l’âme ou l’entéléchie du hockey, aurait sans doute dit Aristote, n’y est pas.

Comment en effet peut-on entrevoir pareil spectacle sans partisans dans les gradins ? Car n’oublions pas que le sport professionnel relève entièrement de la partisanerie sportive. Sans cette partisanerie, aucun sport professionnel, y compris l’olympisme, n’a de sens. Pythagore disait : « Notre vie retire à la grande et populeuse assemblée des Jeux olympiques » (voir Cicéron, Tuscalanes, livre 5, chap. 3).

En temps normal, il se crée un rapport sentimental privilégié entre les joueurs et la foule de partisans. C’est ce qu’on appelle le phénomène cathartique de la mimêsis, par laquelle le partisan s’identifie à certaines valeurs propices au défoulement individuel et collectif. Les cris et les hurlements de la foule lors des matchs y sont pour quelque chose.

Le partisan entre dans un premier temps en communion avec les joueurs de son équipe. Il s’identifie à eux et à leur travail car, lui aussi, tout comme eux, travaille fort dans la vie. Et, lorsque son équipe par son jeu et ses efforts parvient enfin à la victoire, c’est en quelque sorte lui-même qui est victorieux dans cette célébration du travail bien fait et réussi. C’est alors la fête !

Communion ou dissociation ?

Malheureusement toutefois, en période de confinement, cette communion essentielle à l’identification avec l’équipe s’établit beaucoup plus difficilement. En réalité, malgré les efforts des commentateurs sportifs, loin de la communion avec les joueurs, c’est plutôt une dissociation qui tend à se créer.

C’est qu’avec le confinement, nous avons malheureusement perdu une grande partie de notre liberté corporelle. Pour plusieurs d’entre nous, l’activité sportive s’est passablement réduite. Et pour les sports de contact comme le hockey, ils ne nous sont tout simplement plus possibles.

Brimés dans notre liberté de faire du sport comme nous l’entendons, quel est alors l’intérêt d’un spectacle de hockey comme celui qu’impose présentement la LNH ?

Pourquoi devrions-nous nous identifier à des joueurs qui évoluent librement dans une bulle de grand luxe alors que, de notre côté, nous sommes toujours confinés ?

Ce spectacle artificiel planifié par les millionnaires du hockey a-t-il sa place ? Rappelons que ce sont les partisans qui, en fin de compte, financent et donnent vie au sport professionnel et non l’inverse. C’est donc aux partisans qu’appartient ce type de sport où des joueurs d’élite issus de nos communautés se produisent.

Est-il alors éthiquement acceptable que ceux-ci, privés de leur famille, doivent se risquer à jouer en pleine pandémie pour satisfaire les ambitions lucratives de la Ligue ?

Mais il y a plus : voilà maintenant que la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), à l’image de ce qui se passe dans le baseball majeur, veut se lancer dans une aventure similaire mais, budget réduit oblige, sans aucun filet de protection.

Sans bulle et sans aucun test de dépistage prévus pour ses joueurs, on se demande bien où est la tête des dirigeants de la Ligue ! Rappelons que dans le baseball majeur l’expérience s’avère déjà désastreuse puisque présentement, on compte plus de 100 joueurs infectés.

Pourquoi alors risquer inutilement la santé de centaines de nos jeunes athlètes alors que le vaccin ne devrait pas tarder ? C’est à la santé publique d’arrêter au plus vite cette folle aventure !

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