C’est beau, le Québec. Vraiment. Pendant les 24 jours qu’on s’est donnés, à quatre, pour partir de Montréal et faire Charlevoix puis le tour de la Gaspésie à vélo, on a plus que jamais eu l’impression d’exister au rythme du territoire, d’être happées par ses paysages. On a vibré avec ses montées, ses descentes. On a été émues plus d’une fois par l’incommensurabilité des horizons.

Au milieu d’un tel voyage, les nouvelles de la mort de deux cyclistes de notre âge ont été encore plus choquantes. Douloureuses. Terrifiantes. Si près de nous. Ça aurait pu être nous. Ça pourrait être nous la prochaine fois que nous monterons en selle. Ça pourrait être n’importe quelle personne à qui on dit, des étoiles dans les yeux, que voyager à vélo, c’est une des plus belles manières de voir du pays.

C’est tout ça qui est revenu nous hanter avec les morts tragiques de Delphine et de Daphné.

Tandis que nos proches nous envoyaient des messages inquiets et que nous tentions de trouver les bons mots pour les rassurer, nous repensions à toutes les fois où un camion nous frôlait d’un peu trop près sur un accotement beaucoup trop étroit ou inexistant ; à toutes les fois où nous évitions des trous et des failles en débordant sur la route ; à toutes les fois où nous avions les doigts crispés sur nos freins dans les descentes qui nous entraînaient à 40 km/h dans des vents qui nous balayaient malgré nous dangereusement sur le bord du maigre accotement ; à toutes les fois où nous étions tendues de la tête aux pieds en traversant des zones de travaux pleines de roches, de sable et d’automobilistes impatients, des zones aucunement pensées pour des gens montés sur des machines à pédales ; à toutes les fois où nous aurions aimé nous sentir en sécurité, mais que la peur restait ancrée dans le fait que nos vies ne reposaient pas uniquement entre nos mains sur la route.

C’est vrai que les routes sont particulièrement difficiles cet été : bondées, frénétiques, stressantes pour les conducteurs de tous genres.

C’est vrai aussi que nous ne sommes pas du même gabarit, entre les innombrables vacanciers en roulottes, les camions immenses qui voyagent leurs charges, les motos pétaradantes, et nous autres, qui montons les côtes au moteur de nos deux jambes. Mais nous ne sommes plus régis par la loi de la jungle. Les plus gros ne devraient pas manger les plus petits. Il y a moyen de faire autrement.

Dans notre province accueillante, on devrait pouvoir partager les routes en toute sécurité, sur une Route verte plus cohérente, plus balisée. Où on peut profiter des paysages sans avoir peur d’y passer. Dans notre province verte, on devrait essayer d’encourager un tourisme accessible à tous, près de la nature. Où on peut prendre la place qui est la nôtre sur nos routes.

Nos pensées vont aux familles et aux proches de Delphine Langevin et de Daphné Toumbanakis.

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