La lettre s’adresse à la mairesse de Montréal, Valérie Plante

Je suis extrêmement touché de votre décision de m’accorder le titre de « Citoyen d’honneur de la Ville de Montréal » et j’ai été ravi de le recevoir de vos mains. Il y a 30 ans cette année, notre amie Léa Cousineau devenait la première présidente du Comité exécutif de la Ville, un fait très marquant à l’époque. Il y a près de trois ans, vous êtes devenue la première mairesse de la métropole, un autre fait qui méritera sa place dans le grand livre d’histoire de notre ville.

Au cours des derniers jours, j’ai beaucoup réfléchi au sens que revêt pour moi la distinction de « Citoyen d’honneur ». Ce que je retiens d’abord et avant, c’est le mot « citoyen ». C’est lui qui s’est imposé comme fil conducteur de ma réflexion.

Vous connaissez l’expression : « on était jeune et on voulait changer le monde ». Dès les années 70, j’étais de celles et ceux qui ont choisi, en tant que citoyens de cette ville, de se battre pour la survie des quartiers ouvriers et populaires de Montréal et pour la défense de nos droits : le droit au logement, le droit à la ville, la préservation du patrimoine bâti, et éventuellement une planification urbaine intelligente et progressiste et une certaine vision de notre ville.

En près de 50 ans, nous avons vu Montréal se transformer, évoluer, innover comme bien d’autres grandes villes, mais je suis à même de témoigner que nous avons fait les choses à notre façon.

Montréal ne serait pas aujourd’hui la ville que l’on connaît aujourd’hui sans la contribution exceptionnelle, individuelle ou collective, d’un grand nombre de ses citoyens – progressistes francophones et anglophones, indépendantistes et fédéralistes, syndicalistes, urbanistes, architectes, intellectuels, organisateurs communautaires, militants environnementalistes de la première heure et journalistes. Et c’est sans parler de l’apport des comités de citoyens, organismes communautaires, coalitions de toutes sortes dont Montréal a le secret.

Sans cette mobilisation permanente, qui sait ce que seraient le Plateau Mont-Royal, Centre-Sud ou Saint-Henri d’aujourd’hui : leur habitat typique aurait certainement été rasé depuis longtemps. Le quartier Angus ne serait peut-être qu’un vieux centre commercial, comme on nous le proposait en 1980. Montréal ne compterait certainement pas sur des dizaines de milliers de logements communautaires pour garantir la mixité de nos milieux de vie. Et que vaudrait un centre-ville sans résidents. J’aurais encore tellement d’exemples à vous donner.

Vous comprendrez que je ne veux d’aucune façon minimiser ici le rôle des élus, des administrations, des gouvernements et de la fonction publique dans l’évolution de notre ville, ayant moi-même œuvré en tant qu’élu, conseiller politique et haut fonctionnaire.

Mais il est un fait : les Montréalais, les Montréalaises ont depuis cinq décennies, joué un rôle majeur dans la transformation de notre ville. Les administrations municipales ont appris à reconnaître cet apport et plus largement l’importance de la démocratie municipale, dont les principales règles sont dorénavant inscrites dans la Charte de notre ville et dont les pratiques sont reconnues à l’échelle des grandes villes du monde.

Aujourd’hui, la mobilisation citoyenne montréalaise est plus individuelle et moins institutionnelle, beaucoup plus entrepreneuriale que collective, mais elle n’en est pas moins bien réelle.

Mais surtout, force est de constater que les Montréalais sont très nombreux à vouloir relever les nouveaux défis qui sont aujourd’hui les nôtres : l’équité sociale, l’équité territoriale, la mixité, l’inclusion, le droit à la culture, le développement accéléré des transports collectifs, la densification intelligente des secteurs déjà urbanisés à l’encontre de l’étalement urbain et la lutte, plus globale celle-là, contre la détérioration accélérée de notre environnement.

Toute ma vie, j’ai fait le choix personnel de m’investir dans l’avenir de notre collectivité. Mon engagement politique était sincère et j’y ai consacré le meilleur de mes énergies. J’ai toujours été animé d’une volonté ferme d’innover, de faire une différence, de contribuer à la réalisation de projets significatifs et de susciter des changements progressistes et durables.

Cet hommage que vous me rendez, je l’accepte avec honneur et plaisir. Mais vous aurez compris que j’y vois aussi une reconnaissance importante de l’apport des citoyens à l’évolution de notre métropole, ainsi qu’un encouragement pour tous ceux et celles qui envisagent de mettre l’épaule à la roue.

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