Si les élections fédérales d’octobre 2019 ont su démontrer une chose, c’est que le pays est actuellement divisé à l’échelle régionale.

Les libéraux ont été rejetés par l’Alberta et la Saskatchewan, les conservateurs ont obtenu des résultats aussi médiocres à Toronto qu’à Montréal et les souverainistes du Bloc québécois ont connu une remontée pour former le troisième parti en importance à la Chambre des communes. Aucun parti n’ayant pu obtenir la majorité absolue, les questions qui ont animé la campagne électorale, comme la façon de lutter contre les changements climatiques, n’ont pas trouvé de réponses.

Toutefois, un examen approfondi de l’opinion publique remet en doute la conclusion selon laquelle le Canada est plus divisé que jamais à l’échelle régionale.

Les Canadiens sont certainement divisés sur la meilleure façon d’atteindre un équilibre entre la protection de l’environnement et le développement économique. Cependant, le sondage de 2020 sur la Confédération de demain montre que cette division d’opinion ne dresse pas les régions les unes contre les autres. Elle est observée dans toutes les parties du pays.

Au début de 2020, une faible majorité de Canadiens (52 %) étaient d’avis que la protection de l’environnement était plus importante que la protection des emplois. Ce qui est encore plus frappant est que, dans tout le pays, les personnes qui se sont dites d’accord avec cet énoncé représentaient une proportion légèrement inférieure ou légèrement supérieure à 50 % et n’était donc pas nettement d’un côté ou d’un autre. La même chose a été observée en Alberta – la province est divisée en plein centre avec une proportion presque égale de personnes étant en accord ou en désaccord avec cet énoncé.

Près d’une personne sur deux au Canada (48 %) se dit aussi en faveur d’une élimination graduelle de l’utilisation des combustibles fossiles et pour l’adoption de sources d’énergie plus renouvelables sans tout d’un coup mettre à pied les gens qui travaillent dans l’industrie du pétrole et du gaz. Les autres répondants sont divisés entre une élimination rapide ou graduelle.

Mais, une fois de plus, les Canadiens sont moins divisés régionalement que ce à quoi nous aurions pu nous attendre. Dans toutes les provinces et tous les territoires, une majorité relative est en faveur d’une élimination graduelle des combustibles fossiles. La proportion de répondants qui se sont dits d’accord avec cette option de compromis va de 41 % à l’Île-du-Prince-Édouard à 54 % en Colombie‑Britannique. En Alberta, 44 % des répondants sont en faveur de cette option, proportion qui se situe légèrement sous la moyenne pancanadienne.

Les différences apparaissent dans la réponse figurant en deuxième place. Une proportion de 28 % de Québécois se dit en faveur d’un retrait plus rapide, même au prix des emplois dans le secteur du pétrole et du gaz, comparativement à seulement 10 % en Alberta. À l’inverse, 37 % des Albertains disent que nous devrions retarder tout retrait et nous concentrer sur la protection des emplois des personnes qui travaillent dans les industries comme celles du pétrole et du gaz comparativement à seulement 10 % au Québec.

Pour mettre ces chiffres en perspective, imaginez que 100 Albertains et 100 Québécois sont tous dans la même salle et que nous leur demandons de nous dire à quelle vitesse nous devrions mettre fin à l’utilisation des combustibles fossiles afin de lutter contre les changements climatiques. Il serait possible pour 64 personnes de chaque province de trouver une personne de l’autre province ayant la même opinion qu’elle. Neuf personnes de chaque côté pourraient trouver un partenaire qui, comme elles, serait indécis. Il resterait donc 54 personnes sur 200 qui feraient face à des personnes en désaccord avec elles, et possiblement fortement en désaccord, quant au besoin d’accélérer ou de ralentir la transition vers une source d’énergie renouvelable.

Ces différences sont importantes et elles ne devraient pas être balayées d’un revers de main. Elles ne devraient pas non plus faire oublier le fait que 146 personnes sur 200 dans la salle (73 %) s’entendraient avec leur partenaire d’une autre province.

De bonnes raisons expliquent pourquoi nos différences régionales tendent à être amplifiées. Le système électoral en est une.

En dépeignant des régions entières de la même couleur au pays, nous en oublions la diversité des opinions qui les composent. Les chefs politiques audacieux sont également habiles pour mobiliser ces différences pour en tirer des avantages électoraux. Les premiers ministres aiment se présenter comme les défenseurs des positions de la population dans son ensemble, lorsqu’en fait une proportion importante de citoyens qu’ils représentent sont en désaccord avec leur approche.

Ces manœuvres politiques sont compréhensibles, mais le public et les médias devraient voir plus loin. La conclusion du sondage sur la Confédération de demain n’est pas que nous nous entendons tous, mais simplement que des désaccords sur des questions clés comme la lutte contre les changements climatiques existent dans tout le pays. Cela peut sembler une façon étrange de penser à l’unité nationale, mais le fait de reconnaître la diversité des points de vue dans toutes les régions est une première étape essentielle pour désamorcer les tensions politiques qui menacent parfois de nous désunir.

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