La pandémie de COVID-19 a mobilisé l’attention de la population canadienne comme aucun autre désastre médical ou naturel ne l’aura fait de notre vivant, suscitant à la fois un sentiment d’urgence et une acceptation résignée. Nous nous sommes pliés à des restrictions et à des privations que nous aurions considérées, quelques jours à peine avant leur imposition, comme impensables et inacceptables.

L’endiguement de la première vague est en voie de se réaliser. Bien que celui-ci n’est pas synonyme de victoire sur la maladie, il permet de gagner du temps jusqu’à ce que l’immunité collective ou la mise au point d’un vaccin efficace permette de la contrôler, comme ce fut le cas dans le passé avec la variole, la polio et la rougeole. La réussite de l’endiguement laisse présager un « retour à la normale ».

Toutefois, notre retour à la « vie normale » ne sera essentiellement qu’un prélude à des flambées successives de COVID-19 (jusqu’à ce qu’on découvre un vaccin) ou à l’apparition d’un nouveau pathogène. Après tout, SARS-CoV-2 n’est qu’un coronavirus parmi plusieurs, sans compter les pathogènes d’originale animale susceptibles d’être à l’origine de la prochaine pandémie.

L’émergence de pandémies à répétition représente aujourd’hui la plus grande menace pour la société actuelle et à venir.

Nous avons démontré que nous étions capables de modifier nos comportements, notre mode de vie et nos pratiques sociales et commerciales pendant de courtes périodes dans le but de combattre un grave danger pour notre bien-être. Mais aurons-nous le courage, la détermination et la sagesse voulus pour nous attaquer collectivement aux circonstances mondiales qui engendrent les conditions propices aux pandémies ?

Contenir la pandémie actuelle ne suffira pas. Il faudra aussi réduire le risque de pandémies futures et récurrentes.

La lutte contre les pandémies exige davantage, sur le plan social et politique, que le contrôle de l’infection. La COVID-19 et les grandes pandémies survenues à d’autres époques n’ont pas été causées par un nouveau pathogène, mais par un virus dont on ignorait l’existence. Toutes sont attribuables au transfert d’un pathogène animal à un être humain, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un hôte animal secondaire.

Un miroir de nos décisions

Les pandémies sont un miroir des décisions et des actions qui créent les conditions propices à la transmission d’un virus inédit entre un animal, habituellement sauvage, et un être humain. Comment cela se produit-il ?

Des facteurs multiples sont en cause, notamment : la déforestation et la diminution de biodiversité qui s’ensuit ; la destruction des habitats associée à l’expansion des activités agricoles et commerciales ; la juxtaposition de territoires agricoles et urbains sans tenir compte des structures de santé publique ; les changements climatiques à l’origine de la transformation des habitats et leurs effets sur les milieux humides, les débits fluviaux et les plaines inondables, tous facteurs de migration humaine et animale et d’évolution de la répartition des insectes vecteurs.

Mentionnons également les marchés d’animaux qui mettent l’être humain en contact avec des aliments issus de la faune sauvage et de l’élevage ; la chasse et la vente d’animaux sauvages comme « viande de brousse » ; le fait d’avoir comme animal de compagnie une espèce exotique ; et les déplacements en avion, qui font en sorte qu’une infection peut se répandre mondialement en l’espace de 24 heures sans possibilité de quarantaine.

Ces facteurs sont exacerbés par les circonstances sociales, dont la pauvreté, la faim, le surpeuplement, un faible niveau d’éducation, le manque d’hygiène et la détresse sociale associée aux disparités, à l’insécurité et à l’incertitude.

Cette constellation de facteurs crée les conditions dans lesquelles les interactions entre êtres humains et animaux conduisent à des transferts viraux qui deviennent des pandémies mondiales.

Un retour à la « normale » pré-COVID-19 ne constituerait qu’une acceptation complaisante du statu quo – et de l’expédient coûteux qu’est l’endiguement. Mais si l’objectif est de lutter contre les pandémies, les mesures à prendre ne seront ni faciles, ni de courte durée.

La lutte contre les futures pandémies exige une prise de position claire sur des enjeux qui concernent l’avenir de notre monde – une volonté de s’attaquer aux conditions sociales, environnementales et économiques qui sous-tendent l’apparition des pandémies, ainsi que la solidarité nécessaire pour se tenir fermement aux côtés de ceux qui prennent les décisions voulues pour les endiguer.

La population canadienne a plutôt bien réussi à contenir la COVID-19 – du moins jusqu’à maintenant. Serons-nous capables de consacrer la même énergie, le même leadership et le même élan à l’objectif ultime de lutter contre l’émergence des pandémies ? Cette considération mérite plus ample réflexion qu’un simple « retour à la normale ».

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