Euthanasie. Suicide assisté. Ces termes font débat. Liés à une expérience de compassion pour soi et pour autrui, ils renvoient tous deux au choix de la mort au détriment de la vie.

Dès qu’il s’agit de s’entendre sur le sens des termes « euthanasie » et « suicide assisté », les difficultés commencent.

En effet, il n’existe pas de consensus sur ce qu’il conviendrait de ranger derrière ces mots. Dans la mesure où tout le monde n’appréhende pas les faits et les valeurs de la même façon, parce qu’ils expriment des visions personnelles différentes de la vie morale, il n’y a rien de déconcertant à ce que les mots fassent débat. Ainsi, sans faire un détour par l’histoire des termes, puisque cela a déjà été fait à de multiples reprises, établissons un point de départ le moins équivoque possible.

L’euthanasie et le suicide assisté renvoient à une expérience de compassion pour soi ou pour autrui vis‑à-vis de certaines conditions d’existence et de fin de vie relatives à un état de santé. Lorsqu’elles sont jugées insupportables, lorsque le malheur apparaît en excès par rapport au bénéfice de vivre, la perspective d’être forcé de l’endurer conduit certaines personnes à préférer la mort à la vie.

La maladie grave, le handicap, le grand âge sont ces principales situations dans lesquelles aujourd’hui la question de la mort choisie se pose avec acuité.

En France, le sujet occupe une place éminente dans les médias depuis 2001, date de l’affaire Vincent Humbert : la mère de ce jeune homme tétraplégique lui administra illégalement, mais à sa demande, un produit létal pour abréger sa vie qu’il jugeait indigne d’être vécue.

Néanmoins, la mort choisie ne se réduit pas à l’action d’un tiers qui provoque la mort d’autrui à sa demande (euthanasie). Elle peut aussi consister à apporter à une personne les moyens de se donner elle-même la mort (suicide assisté). Elle peut encore signifier, comme on le constate en France, l’évolution des droits des malades vers la possibilité de laisser la mort venir en faisant le choix d’arrêter des traitements à visée curative, ou de ne pas recourir à des dispositifs artificiels de maintien de la vie. Enfin, elle peut encore prendre la forme du choix, pour soi, ou pour autrui quand celui-ci n’est plus en mesure de l’exprimer lui-même, d’avoir recours à une stratégie sédative profonde et continue jusqu’au décès, ainsi que le prévoit la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie. Dans cette dernière option, le recours à des médicaments va suspendre la conscience du malade pour lui éviter l’inconfort de sa situation, par exemple des douleurs réfractaires à toute thérapeutique.

Ainsi, qu’il soit question de l’euthanasie, du suicide assisté (appelé aussi « assistance au suicide »), de l’arrêt des traitements ou des processus artificiels de maintien de la vie, de la sédation « terminale » (expression de plus en plus fréquente pour nommer la sédation profonde et continue jusqu’au décès), il s’agit de faire le choix de la mort.

Ce rapide panorama permet de faire la distinction entre les décisions et les actions qui consistent à provoquer la mort en faisant obstacle à la vie, et celles qui consistent à accompagner la vie sans chercher à faire obstacle à la mort. L’euthanasie et le suicide assisté, qui seront les principales pratiques discutées dans ce livre, appartiennent à la première catégorie et se différencient, sans s’opposer de façon catégorique, de l’accompagnement des personnes au moyen de ce que nous appelons les soins palliatifs, c’est‑à-dire les soins délivrés lorsque la maladie grave, ou en phase terminale, est arrivée à un stade critique*. Dans ce contexte, la prise en charge du malade implique le soulagement de ses douleurs physiques et de sa souffrance psychique, tout en considérant son environnement psychologique et social, ainsi que les répercussions de la maladie sur son entourage. Ajoutons, toutefois, que les procédures d’euthanasie et de suicide assisté ne négligent pas ces aspects.

Enfin, si la question de l’euthanasie et du suicide assisté n’est pas une nouveauté de notre postmodernité – elle se pose depuis l’Antiquité –, de nos jours, le contexte est différent du fait que les progrès des techniques biomédicales (en réanimation, par exemple) ont créé des situations difficiles nouvelles. Cela étant, la persistance de cette question face au temps qui passe – aujourd’hui sous la forme de la revendication d’un droit à choisir quand et comment mourir – est le miroir d’une inquiétude qui a toujours habité l’homme quant à la façon de finir sa vie, inquiétude que nous partageons aussi quand il s’agit de la mort d’autrui. Ce qui a surtout changé, c’est notre rapport à la mort et à la souffrance : les progrès scientifiques et médicaux nous rendent insupportables que l’on puisse encore « mal mourir » de nos jours.

* Précisons, dès à présent, que tous les malades en soins palliatifs ne sont pas systématiquement en phase terminale d’une maladie.

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS ALBIN MICHEL

Sommes-nous libres de vouloir mourir ? Euthanasie, suicide assisté : les bonnes questions

Sommes-nous libres de vouloir mourir ? Euthanasie, suicide assisté : les bonnes questions
Éric Fourneret
Éditions Albin Michel 2018
196 pages

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