Cela fait des semaines que notre tête apparaît à l’écran. Qu’on saute dans le vif du sujet puisque la visioconférence a un titre lié à la tâche à accomplir.

Qu’on termine un appel à la soixantième minute de l’heure pour commencer un autre dans la même minute. Qu’on fait quelques pas pour prendre un repas avant de se réinstaller devant l’ordinateur. Qu’on s’observe soi-même à l’écran en train de se demander si l’image que l’on renvoie aux collègues est correct. Est-ce que j’ai l’air de regarder au bon endroit ? Est-ce que mon micro est bien activé ? Est-ce que l’image est assez claire ? Est-ce que les enfants sont trop bruyants ? Comment faire pour voir tout le monde ? Puis le lendemain on se réveille et c’est le jour de la marmotte ! Pas simple de s’en sortir.

L’énergie du début de la crise ne nous est plus accessible. L’adrénaline a fait place à un engourdissement lié au nouveau normal ; qu’est-ce qui change au fait ? Comment envisager la suite ? Les vacances feront du bien, mais leur effet ne va pas durer. Et si la pandémie avait quelque chose à nous enseigner pour une meilleure vie comme travailleur ? Et s’il fallait détourner la tête de notre écran pour capter ces enseignements ?

Le confinement des derniers mois nous aura permis de prendre conscience de l’importance du corps et du cœur dans l’expérience du travail au quotidien.

Les besoins humains nous interpellent davantage lorsqu’ils ne sont pas comblés. On reconnaît tous les signes : mâchoire crispée, poids sur les épaules, papillons dans l’estomac, mal de tête, tension dans le cou, etc. Peut-être en étions-nous plus ou moins conscients avant la pandémie parce que nous avions la chance de nous déplacer, d’arriver, de déposer nos choses, de passer à la machine à café, d’aller à notre bureau, de prendre le dîner avec un collègue et de faire le chemin inverse en fin de journée ? Comme si en étant forcées d’y aller au rythme de notre corps, on avait l’occasion de ralentir entre deux réunions de tête.

Travailler dans un lieu physique commun nous donnait accès à la puissance du corps et du cœur dans notre expérience d’employés. Nous pouvions marcher avec un collègue sous le coup de l’émotion après une rencontre tumultueuse ; sentir la fermeté d’une poignée de main à la suite d’une vente ; déceler un œil qui devient plus humide lors d’une confession à propos des difficultés que vit un collègue ; ressentir la chaleur d’un câlin au moment de retrouvailles ; se nourrir de la joie d’un équipier en voiture au retour d’une rencontre client réussie. Plus difficile à faire maintenant, n’est-ce pas ? Mais certainement plus facile à sentir la valeur de cette expérience maintenant qu’elle nous échappe en partie. Alors que faire ? Pomper des dollars dans le soutien psychologique du programme d’aide aux employés ? C’est bien. Sauf que l’adage « mieux vaut prévenir que guérir » s’applique toujours, ne croyez-vous pas ?

Pour un bien-être accru chez nos employés et nos gestionnaires, nous pouvons changer notre manière de travailler et plutôt vivre, voire respirer le travail.

Cela peut commencer par les mots qui sortent de notre bouche. En effet, le vocabulaire qu’on utilise et les histoires qu’on raconte conditionnent l’expérience humaine, peu importe le contexte. Si nous initions la conversation à propos des rôles que le corps et le cœur jouent dans l’expérience que nous vivons au travail nous pourrions être surpris des résultats. Est-ce que mon corps peut réellement être plus que le véhicule qui amène ma tête à la rencontre pour comprendre et prendre des décisions rapidement ? Oh que oui ! C’est dans le corps que se logent de précieuses informations comme nos émotions qui nous renseignent sur notre état et nos besoins. C’est en bougeant avec notre corps qu’on prend une différente perspective sur un problème qui requiert de la créativité. C’est en prêtant attention à notre souffle qu’on s’ancre et développe notre capacité de présence. Est-ce que c’est payant de parler avec mon cœur en exprimant ma vulnérabilité ? Oh que oui. Tellement ! C’est par la force du courage, qui vient du cœur, qu’une équipe se soude dans l’adversité et renforce ses liens. C’est par la sensibilité du cœur qu’on voit l’autre tel qu’il est au-delà du rôle qu’il joue dans l’entreprise.

Le travail pour l’humain est une expérience tête-cœur-corps. La tête qui pense, qui donne un sens, et qui pense notamment qu’elle doit savoir, sinon, c’est le danger ! Le cœur qui fait montre de courage, qui aime et qui s’attache. Le corps qui ressent, qui bouge, qui ancre et s’engage. La richesse de l’expérience humaine de travail ne se trouve pas dans les états financiers, mais bien dans le corps et dans le cœur de nos gens.

La pandémie a contribué à l’idée de travailler différemment. Ce qui pour beaucoup était du domaine de la réalité-fiction – travailler de la maison ? – est une partie du nouveau normal. Les chutes de productivité redoutées ne se sont pas produites. Et si on osait se baser sur l’expérience de corps et de cœur pour transformer notre vie au travail ? Bien entendu, il faudrait d’abord rassurer la tête calculatrice qui pense déjà connaître toutes les raisons pour lesquelles cela ne marchera pas.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion