Alors que bon nombre de Montréalais s’apprêtent à passer un été en ville, force est de constater que le caractère insulaire de la métropole est assez peu mis en valeur et que l’accès au fleuve demeure très limité dans de nombreux quartiers. Ce constat n’est pas nouveau, mais cet été en ville est peut-être l’occasion d’accélérer le mouvement de réappropriation des berges.

On comptait pourtant une cinquantaine de plages urbaines sur l’île de Montréal dans les années 50. À Toronto, on retrouve 9 km de plages de sable. Des chiffres qui auront de quoi frustrer bien des citadins, pour qui le besoin de fraîcheur et de dépaysement n’aura jamais été aussi fort.

À titre comparatif, on ne retrouve que quatre plages sur l’île de Montréal. La plage du Cap–Saint-Jacques, dans l’arrondissement de Pierrefonds-Roxboro, offre une étendue de 150 m de sable et est la seule à être ouverte pour l’instant. La plage de Verdun, officiellement fermée mais déjà bondée, comprend seulement 80 m de sable. Les plages du quai de l’Horloge et du parc Jean-Drapeau sont toutes deux fermées jusqu’à nouvel ordre.

Dans son plan estival, la Ville de Montréal a dévoilé tout un réseau de mobilité invitant les Montréalais à redécouvrir leur ville. Pourrait-on envisager d’aller encore plus loin, avec la création de nouvelles destinations urbaines qui inviteraient la population à se rapprocher de l’eau, les pieds dans le sable ?

S’inspirer de Paris Plages

PHOTO REMY DE LA MAUVINIERE, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Chaque été, les berges de la Seine accueillent l’évènement Paris Plages.

Cet enjeu de réappropriation des berges, Paris l’a abordé il y a maintenant près de 20 ans.

Le concept de Paris Plages est à la fois simple et ingénieux : 3,4 km de plage et de lieux de détente, proposant diverses activités, créant un réseau de déambulation le long de la Seine et des canaux parisiens. Ce corridor invitant est jalonné de terrasses, de jardins flottants, de bateaux-restaurants, transformant les rives de la Seine et du bassin de la Villette en station balnéaire.

Imaginez un Montréal où seraient disséminées de telles « stations balnéaires », de petites plages et zones de fraîcheur dans les quartiers. Ce serait une manière d’affirmer que la vie en ville peut aussi être synonyme de vacances.

On en est encore très loin. Pourtant, avec des exemples comme Paris Plages, on ne parle pas de projets de plages ou de bains portuaires qui demandent des années de conception et de planification avant de se concrétiser. Pour être populaires, ces plages n’ont pas forcément à être baignables – une contrainte qui a souvent ralenti la mise en œuvre de projets, que ce soit pour des raisons de coûts, de sécurité ou de qualité de l’eau.

On parle avant tout de créer des lieux extérieurs originaux, rapides à déployer et peu coûteux, dont l’accumulation peut façonner l’identité distinctive d’une ville où il fait bon vivre.

Petites actions, fort impact

Avec peu de moyens et dans des délais records, on peut métamorphoser une surface asphaltée en une destination estivale prisée, en y ajoutant du sable, des parasols et des brumisateurs. Il s’agit d’une façon simple de mettre en valeur des paysages souvent méconnus et pourtant magnifiques, et de renouer collectivement avec notre insularité.

On peut imaginer transformer en plages de multiples lieux, comme le stationnement du phare de Lachine, les rives de Pointe-aux-Trembles, ou encore faire de la promenade asphaltée du Vieux-Port une grande étendue sablonneuse. Il est même possible d’envisager la création de plages urbaines dans des rues piétonnes, au cœur du centre-ville, une stratégie mise de l’avant par Detroit pour relancer ses artères commerciales.

Le Village au Pied-du-Courant en est un bon exemple. Chaque année, La Pépinière transforme une chute à neige asphaltée au pied du pont Jacques-Cartier en populaire plage urbaine, devenue une véritable carte postale pour le ville.

Des actions à court terme, une vision à long terme

En agissant cet été, nous pourrions déployer graduellement cette vision pour Montréal et ramener éventuellement les 50 plages d’autrefois. D’ailleurs, des propositions semblables reviennent régulièrement dans l’actualité, que ce soit le projet Archipel, le concept de Montréal bleu ou le Parc-plage du Grand Montréal, ce qui démontre l’intérêt suscité par ce type d’initiatives et la volonté de divers intervenants prenantes de les matérialiser.

Sans attendre LE projet parfait, on pourrait passer à l’action dès cet été avec de petits espaces conviviaux, respectant les mesures sanitaires et mettant en valeur la beauté de nos rives. Cela pourrait servir de bougie d’allumage pour un grand projet à long terme.

Ainsi, si le plan estival de la Ville de Montréal vise surtout à faciliter le déplacement des personnes, la prochaine étape pourrait consister à créer davantage d’attraits permettant aux Montréalais de se réapproprier leur littoral au cours de cet été si particulier.

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