Après l’élection de Trump, une poussée vers un monde plus juste s’est fait entendre, et a mobilisé le monde. Entre autres, les plaidoiries pour une égalité entre les genres ont occupé plus de place, et rassemblé des millions de voix.

Urgence variable

En temps de pandémie, la solidarité n’est plus aussi grande. On juge qu’il y a des problèmes plus urgents à régler. Même si les chiffres démontrent que les personnes sur la ligne de front de la lutte contre la COVID-19 sont majoritairement des femmes et issues de minorités ; même si les responsables de votre santé sont parmi les plus pauvres ; même si les inégalités se creusent à vue d’œil, non, rien à faire, ce ne sont PAS des problèmes urgents. Donc, soignons les malades, envoyons des fleurs aux anges qui nous gardent, mais passons sous silence le travail invisible et l’agrandissement du fossé des inégalités.

La langue est un combat

Pendant ce temps, le commentariat médiatique est plié en deux parce que des politiciennes travaillent à modifier les codes pour plus d’égalité. La mairesse de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, Émilie Thuillier, défend le dossier de l’écriture épicène ? Quelle bonne blague ! On n'en finit plus de se moquer d’elle. Je répondrai ceci aux détracteurs/trices : comment les mentalités ont-elles évolué, si ce n’est en proposant des changements à la racine ?

Si on ajoute aujourd’hui un « e » à auteure, à professeure, si on peut écrire le mot « chroniqueuse », c’est parce que des femmes se sont battues pendant des décennies : la féminisation de la langue ne s’est pas faite d’elle-même.

La langue française, plus que d’autres, charrie beaucoup de sexisme et l’écriture épicène est une méthode reconnue dans la francophonie pour rendre plus visible la contribution des femmes. Et dans ce mouvement, il n’est pas question, évidemment, d’ajouter un « e » à bonjour, comme plusieurs se sont amusés à le dire.

Changer le monde prend du temps

C’est bien d’être des alliés féministes quand tout va bien, mais c’est encore mieux de continuer à l’être en temps de crise, car les inégalités sont aussi une urgence. Vous ne les voyez pas, mais nous en constatons pourtant les tragiques conséquences.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La mairesse de l’arrondissement d’Ahuntsic-Cartierville, Émilie Thuillier

Réfléchissez avant de vous moquer de celles et ceux qui essaient de continuer à avancer. En ironisant sur les efforts des responsables comme Émilie Thuillier, vous attaquez la crédibilité et l’autorité de femmes qui travaillent à changer le monde, tout en s’en occupant, avec le vent dans la face.

Gardez-vous donc une petite gêne.

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