Les centres commerciaux ont été conçus comme des boîtes, fermées sur elles-mêmes et coupées des communautés qui les entourent. Toutefois, au-delà de leur fonction commerciale, ce sont aussi des lieux de socialisation, des milieux de vie conviviaux où plusieurs personnes – aînés, ados, jeunes familles – peuvent flâner et profiter de l’air conditionné lors des chaudes journées d’été. La crise actuelle est l’occasion rêvée pour ces centres de s’ouvrir et d’adapter leur modèle à la réalité actuelle, notamment en transformant leurs stationnements en espaces publics extérieurs qui pourront bénéficier aux commerçants et à la communauté avoisinante.

J’ai grandi dans le West Island et je garde un très bon souvenir de mes visites au Fairview où on magasinait, avec ma mère et ma sœur, nos nouveaux vêtements pour la rentrée scolaire. C’était une tradition que j’attendais impatiemment chaque année. Le modèle du centre commercial m’a d’ailleurs toujours fasciné, par sa taille, la mixité de son offre et, surtout, sa résilience. On y trouve de tout pour tous, ou presque. C’est quasiment une ville dans la ville. Un espace public intérieur où petits et grands passent du bon temps. Depuis leur fermeture, ils ont laissé un vide dans la vie de leurs habitués. Or, si la crise actuelle frappe de plein fouet le centre commercial, pourquoi ne pas en profiter pour le réinventer et pour accélérer une transition qui était de toute manière nécessaire ?

Cet été sera l’occasion d’expérimenter des solutions innovantes pour l’espace public. Toute la région métropolitaine sera un grand laboratoire urbain et les centres commerciaux peuvent contribuer à cette expérience collective. Les Montréalais voyageront en ville et voudront découvrir de nouveaux lieux. Cela veut dire qu’on cherchera des pieds carrés en extérieur. Beaucoup de pieds carrés ! Et les centres commerciaux, des pieds carrés extérieurs, ils en ont en masse. Par exemple, les Galeries d’Anjou ont une superficie totale de trois millions de pieds carrés, dont près de deux millions en extérieur. Le stationnement de La Place Versailles a une superficie totale d’un million de pieds carrés, celui du Carrefour de l’Estrie près de deux millions de pieds carrés, et celui du Fairview 2,5 millions de pieds carrés. À titre comparatif, un terrain de football fait 100 000 pieds carrés et le parc La Fontaine fait près de 3,5 millions de pieds carrés.

En plus de vastes espaces extérieurs, les centres commerciaux disposent d’un avantage considérable : leur localisation. Souvent au carrefour de grands axes routiers, la majorité des centres commerciaux sont faciles d’accès. Il y a là la trame parfaite pour la création d’un milieu de vie diversifié, mixte et stimulant.

Des centres commerciaux comme cœurs de quartier

Le contexte actuel, bien qu’éprouvant pour les commerçants, est aussi un moment opportun pour tester de nouveaux usages dans nos espaces extérieurs. Il est en effet possible de déployer des projets rapidement et à moindre coût, dans un cadre accueillant, ce qui s’avère particulièrement pertinent pour des lieux asphaltés tels que les stationnements. Prenons par exemple le Village au Pied-du-Courant (70 000 pi2), une chute à neige l’hiver qui se transforme en plage urbaine prisée par tous en été. Pourquoi ne pas adapter cette formule éphémère en temps de crise à l’espace extérieur autour des centres d’achats ?

Un des scénarios à envisager serait le lancement de foires commerciales dans les stationnements, où seraient aménagées des halles pouvant accueillir les commerçants. Ce type de projet peut se concrétiser avec peu de moyens, d’autant plus que ces espaces seront désertés cet été et disposent de tous les services requis (éclairage, électricité, aqueduc, surface pavée) pour la réalisation d’une telle activité saisonnière. Aux kiosques commerciaux pourraient se greffer une série de partenaires ainsi qu’un calendrier de programmation. Imaginons un lieu où artisans, producteurs locaux, musiciens, animateurs, restaurateurs seraient tous réunis le temps d’un été. Il est facile d’aménager un ciné-parc, un marché, une foire alimentaire, d’organiser des expositions artistiques et des performances culturelles, des activités qui peuvent être autofinancées et rentables à moyen terme. Ces initiatives permettraient de revitaliser les espaces délaissés, de retrouver un certain achalandage et de recréer un milieu de vie en extérieur.

Le centre commercial possède un pouvoir d’attraction indéniable. Utilisons cette force pour créer un nouveau modèle. Cela fera le plaisir des habitués de la place, tout en attirant de nouveaux visiteurs. La clé d’une sortie de crise rapide est l’action et l’innovation. En ce sens, l’activation de projets dans les stationnements présente un faible risque et pourrait déboucher sur des solutions durables, structurantes et profitables pour tous. Qui sait, peut-être assisterons-nous à une redéfinition de ces espaces à fort potentiel qui pourraient bien devenir un lieu de tous les rendez-vous.

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