Les priorités de l’État après la pandémie

Une situation de catastrophe non anticipée force des décisions rapides créant inévitablement des erreurs et des omissions. Avec la COVID-19, parler de situation non anticipée n’est pas tout à fait juste, mais l’ampleur de la catastrophe est certainement sans précédent.

Les autorités ont réagi rapidement en s’adaptant aux contraintes auxquelles elles faisaient face : manque de tests, d’équipements de protection, crainte de débordement dans les hôpitaux… On s’est dit prêt à faire face à l’éclosion du virus en vidant les hôpitaux et en déclarant un confinement sévère, mais nécessaire. Malheureusement, on a rencontré notre premier angle mort en augmentant le nombre de personnes âgées venues des hôpitaux dans les CHSLD. Les CHSLD sont reconnus pourtant comme un lieu de rassemblement de personnes à haut risque où la distanciation physique est difficile à gérer. Rappelons que le Québec possède un ministère des Aînés et que le premier décès associé à la COVID-19 est survenu dans un CHSLD. On connaît la suite.

Graduellement, on commence à reconnaître d’autres angles morts : les interventions chirurgicales retardées, les enfants délaissés, la violence conjugale, l’absence des aidants naturels dans les CHSLD, l’anxiété liée aux pertes d’emploi… Reconnaissons que même si on avait tenu compte de tous ces éléments, certains étaient inévitables. Il y a toujours un coût d’opportunité à une décision. Si la vie n’a pas de prix, elle a un coût.

Les angles morts du passé doivent nous alerter sur des angles morts qu’il faut éviter à l’avenir. Les gouvernements devront décider d’une assurance collective contre d’autres pandémies. Précisément, nous n’avons pas créé dans le passé une réserve suffisante de médicaments et d’équipements médicaux et de protection. Pourquoi ? Parce qu’il est difficile de vendre politiquement aux contribuables la décision de payer pour des biens et services dont ils n’auront fort probablement pas besoin à court, voire à moyen terme. Et pourtant, tous connaissent le concept d’assurance privée.

Pour éviter que cette question fasse l’objet de débats politiques, il faut l’inclure comme une dépense budgétaire actualisée (dépréciation et nouvelle technologie) et incontournable, la soustrayant à l’enjeu politique. De plus, la responsabilité de cette dépense doit émaner du gouvernement fédéral (voire plurinational). Une pandémie n’a pas de frontières. Seule la collectivité peut se prémunir contre une pandémie pour en réduire les risques et les coûts. Prévenir les pandémies est un bien public pur dans le jargon des économistes : les agents ne sont pas rivaux pour la consommation du bien et aucun ne peut en être exclu. C’est une des rares responsabilités fondamentales des gouvernements de les produire.

Il faut élargir à l’avenir ce débat à d’autres exemples de ce type de biens qui devraient faire l’objet d’une décision, qui à défaut de faire l’unanimité politique, devrait retenir l’attention de tous les partis.

La recherche universitaire, l’accès aux données et l’environnement sont des exemples significatifs. Les contraintes sur les finances publiques seront énormes au cours des prochains mois. Il y aura beaucoup de demandes auprès des gouvernements, aussi légitimes soient-elles ; leurs impacts sur le bien-être public seront très différents. L’environnement n’est plus à justifier, et qui osera dénier l’importance de la recherche après l’expérience de la COVID-19 ? Il ne faut pas s’étonner d’inclure l’accès aux données comme un bien public qui peut profiter à tous sans exclure personne. Encore faut-il qu’elles existent, et ici, la COVID-19 est révélatrice des lacunes gouvernementales.

Mettre l’accent sur des priorités à court terme est politiquement plus rentable que le moyen ou le long terme, souvent au détriment des générations futures. Mais n’est-ce pas l’objectif majeur de l’État d’assurer la pérennité de la nation ? Faire les choses autrement après la COVID-19, ça commence là.

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