La catastrophe humanitaire qui sévit dans les Centres hospitaliers et de soins de longue durée (CHSLD) de la province met à l’avant-scène leur financement et leur gestion. Depuis bientôt 15 ans, je me penche, avec une équipe de recherche, sur le financement des services offerts aux aînés de notre province. Ces recherches me permettent d’arriver à cinq constats, et de formuler une décommandation et deux recommandations.

Premier constat : Le Canada se classe dans la moyenne des pays de l’OCDE et du G7 pour les dépenses totales (publiques et privées) pour les soins de longue durée en pourcentage du PIB. La France, l’Italie et les États-Unis dépensent proportionnellement moins que le Canada alors que l’Allemagne et le Royaume-Uni dépensent plus. La différence entre l’Allemagne et le Royaume-Uni d’une part et le Canada de l’autre vient des dépenses privées des ménages puisque les dépenses publiques sont essentiellement les mêmes. Comment faire, alors, pour augmenter les dépenses des ménages ?

Second constat : obtenir un service de base dans un CHSLD au Québec ne coûte que 1200 $ par mois, même pour un millionnaire. Dans aucune autre province ne sommes-nous tenus de payer moins. De plus, avec 23 % d’établissements privés dans la province, le Québec se situe bien en deçà de la moyenne canadienne (53 % des établissements sont gérés au privé en Ontario, 35 % dans l’ensemble du pays).

Troisième constat : le faible de taux de souscription à une assurance de soins de longue durée n’est pas tributaire d’une mauvaise perception des risques des individus. Oui, les Canadiens sous-estiment leur probabilité d’avoir recours à des soins de longue durée, mais ils surestiment leur probabilité d’avoir recours à des résidences pour personnes âgées tout en sous-estimant le nombre d’années qui leur restent à vivre. Si on corrigeait parfaitement ces trois erreurs de perception, la demande pour l’assurance de soins de longue durée ne devrait pas augmenter de bien plus de 1 %.

Assurance de soins de longue durée

Quatrième constat : la raison la plus importante pour le peu d’entrain à souscrire à une assurance de soins de longue durée privée vient du manque d’information sur ce type de produit, autant du point de vue de son existence que de son utilité à réduire le fardeau financier des coûts des soins de longue durée. Seuls 30 % des Canadiens amélioreraient leur sort avec une assurance de soins de longue durée.

Cinquième constat : ce n’est pas seulement le financement des CHSLD qui mérite notre attention.

Les fonds de pension à prestations déterminées et les régimes publics de rentes, comme la Régie des rentes du Québec, ont la tête enfouie dans le sable depuis longtemps quant au risque de vieillissement de la population.

Les déficits actuariels des fonds de pension sont sous-estimés de l’ordre de 6 %, ce qui voudrait dire que les cotisations aux régimes publics devraient augmenter (ou les prestations être réduites). J’ai bien peur que ça n’arrive pas : ça a pris 10 ans de débats pour qu’on augmente les cotisations aux régimes publics de retraite (RRQ et RPC) afin que le taux de remplacement du revenu passe de 25 % à 33,33 %… dans 40 ans !

Avec moins de 30 % des Canadiens qui gagneraient à avoir une assurance de soins de longue durée et des passifs actuariels des fonds de pension publics sous-estimés, les gouvernements provinciaux ne devraient pas se lancer à tombeau ouvert dans de nouveaux programmes universels de soins. Beaucoup d’aînés n’ont pas besoin de cette aide puisqu’ils ont déjà accès à des ressources gouvernementales et des sommes épargnées (dont la RRQ) suffisantes pour se payer des services à un âge avancé. Ce n’est pas à la société de payer parce qu’un aîné ne veut ni piger dans son patrimoine ni demander à ses enfants de contribuer. Il serait par conséquent mal avisé d’étendre la couverture des soins de santé au réseau des CHSLD dans un contexte où les ressources financières des gouvernements sont limitées.

Si les gouvernements veulent encourager l’accumulation de ressources pour financer les soins, ils devraient rendre publics les coûts réels pour la société de recevoir des services dans une résidence spécialisée ou même à la maison par des proches aidants. Les gouvernements devraient, également, rapporter et comptabiliser correctement les déficits actuariels des régimes de retraite publics afin de nous permettre, comme société, de jauger de notre capacité de nous lancer dans de nouvelles dépenses récurrentes, aussi louables soient-elles.

Les ressources sont limitées et des choix doivent être faits. Or les bons choix sont tributaires d’une bonne information. Plus nos choix seront éclairés, plus nous serons riches comme société, et plus nous pouvons dépenser pour améliorer le sort de tous. Il n’y a pas d’autre recette miracle.

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