Les investissements dans le capital humain du Québec

Nous avons célébré, le 8 mai dernier, le 75e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre a tué environ 80 millions d’humains. Je suis né quelques mois avant la fin de ce carnage et, jusqu’en février dernier, je pensais que ma génération était la plus gâtée de l’histoire de l’humanité.

Il y a bien eu quelques problèmes importants sur la planète depuis 1945, mais les enfants qui sont nés au Québec entre 1945 et le début des années 1960, les baby-boomers, ont surtout profité de l’extraordinaire croissance économique, technologique, culturelle et scientifique des sept dernières décennies.

La COVID-19 est donc le premier problème de survie auquel nous faisons face. Mais la chance est encore avec nous ! Ce sont nos aînés (nés entre 1920 et 1940) qui sont les plus à risque de mourir de la COVID-19, surtout s’ils sont dans un CHSLD. Il est probable que nous allons encore profiter de ce drame des CHSLD, parce que le gouvernement du Québec va très certainement investir de façon substantielle pour améliorer la qualité des services d’ici à ce qu’on entre en CHSLD.

Mais à quel prix ? Je pose cette question du coût de ces améliorations, parce que nous savons tous qu’un investissement supplémentaire substantiel pour les personnes âgées du Québec impliquera un désinvestissement ailleurs.

Le problème est de taille.

Premièrement, parce que les investissements nécessaires pour répondre aux besoins de la clientèle actuelle dans les CHSLD semblent être au-delà de ce que le Québec peut se payer ; et nous ne serons pas plus riches demain.

De la vague au tsunami

Deuxièmement, il y aura une augmentation substantielle du nombre de personnes de plus de 75 ans qui auront besoin d’hébergement de type CHSLD. Pourquoi ? Parce que l’énorme vague des baby-boomers devient depuis 2010 une énorme vague des 65 ans qui prennent leur retraite.

C’est pour ce tsunami de baby-boomers que le gouvernement du Québec a créé les cégeps et le réseau des universités du Québec à la fin des années 60. La crise actuelle dans les CHSLD illustre bien l’ampleur des investissements qui devront être faits au cours des 30 prochaines années pour continuer à bien servir les baby-boomers.

Mais il serait suicidaire de ne pas tenir compte du fait que l’avenir du Québec dépend surtout des investissements que l’on fera pour soutenir le développement des arrière-petits-enfants de nos baby-boomers et les enfants des jeunes familles que l’on accueille au Québec.

Dans cette perspective, il ne faut pas oublier que ce développement des enfants commence à la conception et se termine au plus tôt dans la vingtaine avancée.

Les nombreuses études qui ont mesuré le développement des enfants depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale montrent clairement l’importance des investissements que l’on fait pendant la grossesse et au cours de la petite enfance, tant pour la santé physique et mentale de la population que pour le développement des compétences cognitives et sociales que l’on qualifie souvent de capital humain.

Depuis plus de 30 ans, le Québec a mis en place des services de soutien pendant la grossesse et un réseau de Centres de la petite enfance dont l’objectif est de favoriser le plein développement physique, cognitif et social des enfants avant l’entrée à l’école. Les évaluations de ces services indiquent qu’ils n’atteignent pas ces objectifs. Ce constat est bien résumé par le fait que le taux d’obtention d’un diplôme d’études secondaires au Québec est plus faible que dans le reste du Canada.

Si la pandémie nous force à faire des choix déchirants, il ne faut pas penser que les choix seront plus simples lorsqu’elle sera terminée. La crise actuelle à l’avantage de montrer que les politiciens ont quotidiennement besoin de l’expertise des scientifiques pour prendre des décisions. Espérons que c’est une leçon qui aidera le gouvernement du Québec à repenser la façon de prendre ses décisions après la fin des urgences reliées à la pandémie.

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