C’est à partir de mon petit bureau de Nairobi, au Kenya, que j’ai appris que le texte que j’avais envoyé à La Presse* avait été publié. J’étais à la fois terrorisée et fière. 

Terrorisée, parce que j’avais partagé à des milliers de lecteurs que je ne connaissais pas mon expérience avec l’anxiété et l’épuisement au travail et, donc, avec la maladie mentale. Fière, parce que j’ai reçu des dizaines de témoignages positifs en réponse à mon texte, ce qui a renforcé mon sentiment que parler de santé mentale ne peut qu’aider.

La fierté l’a ultimement remporté sur la terreur, et cela m’a donné la motivation de continuer à partager les vulnérabilités d’une jeune professionnelle de 23 ans. J’ai partagé mon histoire avec les 5000 employés de mon ancien employeur. J’ai aussi animé des lunchs avec diverses entreprises. Mon moment préféré est quand les participants commencent à s’ouvrir et à partager leurs propres histoires, ou encore quand des collègues m’écrivent pour me partager leurs difficultés, m’encourager dans mon cheminement ou me raconter que mon histoire leur avait donné le courage de se confier.

J’ai été impressionnée par cet effet « boule de neige ». Mon histoire a été le précurseur de multiples conversations. Je ne peux qu’imaginer l’impact qu’auraient plusieurs personnes sur la démystification du sujet, trop souvent tabou, de la santé mentale. Et puis, il y a tous ceux qui demeurent silencieux, mais se sentent souvent tout aussi interpellés, de près ou de loin.

Depuis, 15 mois se sont écoulés, mais surtout, on a vu apparaître la crise de la COVID-19, qui a déstabilisé tout le monde. Les entreprises tentent de s’adapter aux nouvelles conditions économiques et les individus apprennent à vivre différemment.

En ces temps d’adaptation, il m’apparaît d’autant plus important de continuer les efforts et d’encourager la conversation et les échanges humains.

Et tant qu’à en parler, parlons-en de façon inclusive. Encourageons les personnes plus jeunes à s’ouvrir alors que cela n’est pas toujours évident quand on a encore tout à prouver et alors que les difficultés sont encore bien vives. Dissocions-nous de la pensée courante que la santé mentale est une question d’heures travaillées pour donner de l’importance à la pression de performance, au manque de sommeil, au peu de temps investi à socialiser, à tous les autres facteurs qui influencent notre productivité, notre créativité et notre bonheur.

La recette du bien-être n’est pas unidimensionnelle et nos conversations se doivent d’en refléter la richesse.

Je ne prétends pas que cela soit facile. Plusieurs individus évitent de partager librement par peur d’être jugés. Je me suis moi-même jugée quand je suis tombée malade, me considérant comme « faible ». D’un autre côté, beaucoup de personnes jugent trop rapidement les organisations, les blâmant pour leurs difficultés : « ils m’en demandent trop », « ils sont insensibles ». Juger est trop facile – on a tous notre part de responsabilité.

*Lisez « Le diagnostic sans appel »

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