Dans le débat public sur l’école au temps de la pandémie, j’ai lu et entendu qu’on se plaisait en certains milieux à dépeindre les directeurs d’école comme des personnes planquées derrière leur bureau, qui auraient trop insisté sur le suivi pédagogique des élèves à distance (« Le ministre a dit que c’étaient des vacances »), tâchant de mobiliser leurs équipes sur des idées simples, par exemple entrer en contact avec les enfants les plus vulnérables.

Cette posture est injuste. Elle dessert les personnes qui profèrent de telles énormités dans les médias, sans jamais être contredites, au moment même où on a besoin de toute la solidarité pour mettre en place le plan impossible que le ministre de l’Éducation impose aux écoles primaires du Québec.

Car il s’agit bien d’un plan impossible.

J’ai dirigé un collège pendant 12 ans, de 2002 à 2014. J’y ai vécu des événements générateurs de stress, lourds en charge émotive, mais jamais avec un tel degré d’intensité. Aussi suis-je rempli d’admiration devant la réactivité et le leadership des directeurs qui ont su assurer la continuité pédagogique et motiver leurs équipes en ces temps incertains. 

Le retour à l’école risque de provoquer une pagaille monstre  ; plusieurs regretteront l’efficacité de la formule à distance présente dans plusieurs établissements grâce, justement, aux efforts et à la créativité déployés par les équipes-écoles.

Il faut alors craindre les effets délétères de la décision gouvernementale autant sur le plan des apprentissages que sur celui de la mobilisation des personnes.

Quinze élèves par classe. Distanciation de deux mètres et autres mesures sanitaires. Formule d’enseignement mixte : en présence et à distance. Gestion pédagogique dans l’urgence. Planification et évaluation des apprentissages essentiels. Encadrement particulier pour élèves en difficulté. Communications aux parents. Employés vulnérables : prière de rester chez soi. Cahiers des charges à respecter provenant du ministère de l’Éducation, de la Santé publique, de la CNESST ; des pages et des pages de consignes et de restrictions à donner le vertige. Course aux ressources financières. Cette dernière liste n’est pas exhaustive, tant s’en faut. J’y ajoute la préparation de l’année scolaire 2020-2021 et la rentrée de septembre.

Il n’existe pas encore d’imprimante 3D pour fabriquer des enseignants, des orthopédagogues et autres spécialistes, des suppléants, bref, tout le personnel qu’implique le dispositif de retour en classe imaginé par les experts ministériels. Et nos écoles primaires ne sont pas Poudlard.

On ne rendra jamais assez hommage aux directeurs d’école, en première ligne du déconfinement scolaire, dont le droit à l’erreur se ratatine à la vitesse de la propagation du virus.

Les documents d’information de type questions-réponses du ministère de l’Éducation aux établissements sont un modèle de délégation du genre : « Il revient à chaque milieu scolaire de déterminer les modalités à mettre en place et d’organiser les services en fonction de sa réalité et des besoins de ses élèves. » Cette rhétorique surgit comme un mantra au fil des interrogations soulevées. Autant dire qu’on en remet sur leurs épaules sous couvert de responsabilisation et d’autonomie de gestion.

Le premier ministre François Legault remerciera peut-être un jour nos directeurs. Ce serait un moindre mal.

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