En avril, ne te découvre pas d’un fil. On aime les proverbes. Surtout quand on connaît les suites. En mai, fais ce qu’il te plaît. Pas sûr cette année. Pour quelques raisons évidentes.

À la campagne, les portes des granges et des ateliers d’usinage étaient grandes ouvertes hier. Un regain de vie. Une reprise. Ça fait du bien de voir qu’on recommence à s’atteler.

En ville — c’est dit à voix basse — plusieurs industries, commerces et services pas si essentiels ont continué d’opérer discrètement depuis la fin mars, tout au long de ce printemps froid.

Ça prenait d’ailleurs une laine pour faire face au vent ces derniers jours. Il a venté à écorner les bœufs (faudrait adapter les adages aux nouvelles réalités : il a venté pour écosser le soya !).

On dit que rien n’est gagné avant la pleine lune de mai. Cette année encore, ce sera ça. Le 7 mai. Après, vous jure, il fera beau. Ce sont les vieux qui le disent depuis la nuit des temps. Mais on les écoute de moins en moins. Semblerait qu’on détienne le triste record, chiffres à l’appui, de la société qui les écarte le plus de son quotidien. Que restera-t-il de ce constat ? À part des statistiques de morts et quelques histoires de culpabilité.

Les enfants sont divisés sur le retour à l’école. Mais on sent la fébrilité. Ça doit approcher, comme quand leurs comportements annoncent les tempêtes. Retourne, retourne pas. Sont divisés. En fait, ils semblent aussi flous que le ministère. Quelque part en mai, ici et là, devine-t-on à travers les mots politiques.

En mai, fais ce qu’il te plaît. Ça semble évident, surtout avec la pleine lune le 7. La suite de l’adage (véritable) est encore plus juste : en juin, de trois habits n’en garde qu’un. Tout le monde tout nu donc. Et ainsi de suite. Mais avec un masque, on s’entend.

Quand même ironique de constater qu’il n’y a pas que la vieillesse qui fait perdre la mémoire. Que c’est surtout le présent qui rend amnésique.

PHOTO GETTY IMAGES

Les vieilles maisons sont « pleines d’histoires. À travers le bruit ambiant, vous jure qu’elles parlent », écrit Marc Séguin.

Alors que la mémoire des gens est belle. Elle permet de respirer quand une histoire est racontée. Je dis ça parce que je m’inquiète un peu quand on commencera, avec du recul, à comprendre les gestes et les psychoses de cette crise. Tout ce qui a été dit, pensé et répété est enregistré quelque part.

Peut-être qu’on va se trouver con d’avoir géré cette chose avec autant de peur et de n’avoir pas vu venir les cibles préférées d’un virus. C’est la première véritable frayeur d’un monde riche et éduqué. Comment va-t-on se la raconter ?

J’ai la chance et le privilège d’habiter des vieilles maisons, plusieurs fois centenaires. Pleines d’histoires. À travers le bruit ambiant, vous jure qu’elles parlent. Une planche, un clou forgé, un carreau de verre antique. Faut les entretenir, les restaurer. Des soins immenses et sans fin. Pas seulement pour le sale temps. Pour qu’un jour mes enfants y habitent encore. Et les leurs. La fin du monde n’est pas que l’affaire des autres.

Avril fait la fleur, mai en a l’honneur.

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