Les tiques sont revenues. La grosse machinerie agricole circule sur les routes de campagne depuis quelques jours. Les pépinières sont ouvertes. Il faut faire poser ses pneus d’été. On avance.

Le président américain revient hanter les chroniqueurs. De plus en plus d’actualités sur les divergences d’opinions. Et mine de rien, ça fait déjà deux cycles d’ovulation qu’on est confinés. Les départements d’obstétriques pensent déjà à janvier et à février.

Ménage de printemps. Dans la tête aussi. Faire de l’espace. Rêver mieux. Jeter et recycler certaines idées. Les aiguiser. En réparer d’autres.

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« J’ai brisé deux pelles rondes l’automne dernier. »

J’ai brisé deux pelles rondes l’automne dernier. Ça pourrit toujours là où le manche en bois rejoint la pièce de métal et s’y insère, en bas. Je mets le métal dans le feu, pour brûler ce qui reste de bois cassé pour libérer le trou. Acheter des manches neufs, les réintroduire, mettre les rivets, visser en place. Pour quelques saisons. Parce que ça va encore péter à la même place.

On envoie des gens sur la Lune, câline. Est-ce qu’on peut rêver à des pelles qui durent ou à un vaccin urgent ?

On sait, on se doute, que ça va mieux quand le naturel revient. On sent les prises de bec et les politicailleries refaire surface. Les gens recommencent à se braquer. Le mal se déplace. Le bien aussi ; on commence à « récupérer » la situation ici et là. Tant qu’à faire.

Depuis plusieurs semaines, au quotidien, il n’y avait que quelques courriels et de rares textos. Là, ça recommence doucement ; des offres, des projets, quelques promesses sociales. Et ce n’est que la pointe de l’asperge, comme on dit. Et le doute s’installe ; on n’aura peut-être pas le temps de faire tout ce qu’on souhaitait faire pendant cette pause. On va se faire rattraper par le train.

Ou pire, pour les âmes damnées que nous sommes et dont je fais partie : se rendre compte qu’on aimait la vitesse avant que ça s’arrête. Le gaz dans le fond une minute, les deux pieds sur les brakes la suivante. Ainsi s’enchaînaient les choses.

Voir que certains trucs ne tiennent qu’à un fil. Croire que tout ira mieux à partir de maintenant. Comme au jour de l’An.

Ça fait sourire, ce #çavabienaller. On commence à prendre conscience qu’après « aller mieux », tout ira comme avant. Mais il y aura malheureusement une onde de choc plus silencieuse : celle des entreprises et des gens qui ne passeront pas au travers de l’éternité contemporaine et de chiffres. Des drames moins spectaculaires vont ramper entre nos pas comme des couleuvres (qui sont d’ailleurs sorties de leur dormance) pendant des années.

Le sol est complètement dégelé. J’ai creusé pour voir. J’avais le temps.

— On mange quoi pour souper ?

— Du popcorn.

Bientôt, ce ne sera plus possible. Tout redeviendra presque normal. Pour une autre éternité.

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