La crise de la COVID-19 fait ressortir l’importance du travail de plusieurs acteurs-clés de notre société dont la contribution était jusqu’à maintenant méconnue, banalisée, voire dévalorisée. C’est le cas des préposées aux bénéficiaires (PAB) dont la pénurie s’avère dramatique dans la situation actuelle.

Je suis infirmière depuis 39 ans. J’ai travaillé en milieu hospitalier, en CLSC et en CHSLD dans le réseau public. Dans tous ces milieux, les soins dits « de base » effectués par les PAB, les infirmières et les infirmières auxiliaires, sont des activités peu valorisées. Or, en l’absence de ces soins, aussi appelés soins d’entretien de la vie**, tous les autres soins sont touchés. Ils sont vitaux.

Les soins de base sont des soins d’assistance visant, entre autres, l’hygiène, l’alimentation, l’élimination, la respiration, la mobilité, le confort, la communication, le maintien de la température corporelle. Ces soins stimulent les forces vives de la personne, la réconfortent, maintiennent ses capacités, l’aident à garder une image corporelle digne et à conserver son identité personnelle. Ils sont des moments privilégiés d’écoute, de partage, d’humanité et de reconnaissance de l’autre.

Les soins infirmiers de base sont souvent perçus à tort comme étant simples. Ils ne sont pas high tech. Ils nécessitent plutôt des connaissances, des habiletés et des compétences particulières qui relèvent du high care pour faire face à des défis tels que : 

– Susciter la collaboration d’une personne, affaiblie, souffrante qui, de surcroît, peut avoir de la difficulté à communiquer ou des atteintes cognitives ;

– Prodiguer ces soins sans provoquer ou augmenter les symptômes (douleur, nausée, spasmes) ;

– Tenir compte des préférences de la personne, de ses fragilités et agir en fonction des risques (chute, plaie, infection, difficulté à avaler) ;

– Préserver la dignité de la personne et la protéger du regard des autres dans un environnement qui s’y prête peu ;

– Favoriser l’autonomie et prendre le temps de laisser la personne faire elle-même ce dont elle est capable dans un contexte où chaque minute compte ;

– Réduire le malaise lié au fait de recevoir des soins intimes.

Depuis les années 80, les soins infirmiers « de base » ont été majoritairement confiés aux PAB sous la supervision des infirmières et des infirmières auxiliaires. L’évaluation réalisée par les infirmières permet aux PAB et aux infirmières auxiliaires de bien connaître les besoins et de personnaliser leurs actions auprès de nos aînés, ainsi que les directives et les précautions particulières à chaque personne.

Le ratio actuel infirmières-patients nettement insuffisant limite cette évaluation et la communication avec les membres de l’équipe soignante. Celle-ci représente trop souvent un défi quasi insurmontable. Ajoutée au manque de continuité des soins par du personnel régulier, cette situation mène à la dépersonnalisation des soins de base, limite leur qualité et augmente l’anxiété des personnes soignées et de leurs proches.

Quiconque a été très malade, vulnérable, incapable de prendre soin de soi est en mesure de comprendre toute l’importance des soins infirmiers de base.

Il est grand temps que le travail high care de l’équipe de soins infirmiers, en particulier celui des préposées aux bénéficiaires, soit soutenu et reconnu à sa juste valeur.

** Dallaire, C. (dir.) (2008), Le savoir infirmier, Gaétan Morin éd.

* Cosignataires, en collaboration avec le Groupe de concertation et d’influence en soins infirmiers du Québec (GCISIQ-QNCIQ) : Lise Belzile, infirmière à la retraite ; Sylvain Brousseau, infirmier ; Marcela Ferrada-Videla, infirmière ; Lisette Gagnon, infirmière à la retraite ; Johanne Goudreau, infirmière ; Laurie Gottlieb, infirmière ; Michel Lemay, infirmier ; Geneviève Ménard, infirmière ; Carmen Millar, infirmière à la retraite ; Patricia O’Connor, infirmière ; Isabelle Parisien, infirmière ; Jeannine Pelland, infirmière à la retraite ; Jacinthe Pépin, infirmière ; Hélène Racine, infirmière ; Nicole Ricard, infirmière à la retraite ; Andréanne Saucier, infirmière ; Claire Thibault, infirmière à la retraite.

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