« Notre monde a besoin de superhéros. Donne un sens à tes journées. Viens travailler au CHUM !  »

On trouve cette belle invitation sur le site du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM). Et au dernier point de presse (14 avril), face à la crise des CHSLD, François Legault a fait un appel à l’aide : « On a besoin de bras !  »

J’ai travaillé 30 ans comme préposé aux bénéficiaires. Trente ans d’héroïsme ? J’ai commencé avec un salaire de 16 $ de l’heure et, au bout de 30 ans, j’ai eu droit à presque 22 $. Wow ! Je me comparais à ceux qui travaillaient au salaire minimum (12,45 $ de l’heure en 2020, soit la moitié du salaire horaire moyen que touchent les Québécois), ou aux bénéficiaires de l’aide sociale (4,40 $ de l’heure pour 37 heures ! Tu te remets en selle avec ça, toi ? ).

Chaque convention collective, il fallait se battre bec et ongles pour avoir droit à une augmentation de salaire et de meilleures conditions de travail. Au mieux, nous avons eu droit à une hausse correspondant à l’augmentation du coût de la vie… mais une baisse progressive des conditions de travail ! Et du mépris en masse.

Je peux vous dire que les loyers augmentaient beaucoup plus vite que mon salaire et ma joie d’aller travailler.

J’ai aimé mon travail. Prendre soin des gens est valorisant si on y met un peu de cœur. Et d’ailleurs, les gens ne manquaient pas de m‘en féliciter – « je sais pas comment tu fais !  » – mais le respect sur le plancher n’était pas toujours au rendez-vous. Et encore moins dans la reconnaissance salariale.

Dans le public et chez les patients, ce sont surtout les médecins que l’on vénère comme des dieux, puis viennent ensuite les infirmières. Le personnel de soutien, lui, est souvent moins reconnu : préposés aux bénéficiaires, réceptionnistes, personnel de cuisine et de l’entretien ménager… On les oublie vite, ceux-là.

Cela dit, aujourd’hui, ce personnel primordial manque cruellement. La capacité « d’attraction » n’est pas là. Ça fait des années que les syndicats disent que ce manque de main-d’œuvre est de plus en plus criant. Et tout ceci était prévisible avec les chiffres sur la démographie vieillissante qui le hurlent depuis longtemps. Rien à faire, ça ne bouge pas, ni dans l’opinion publique ni dans les gouvernements successifs. C’était même de pire en pire (bonjour la réforme Barrette !).

Malgré tout, la situation dans les CHSLD est terrible, et m’afflige, au point de me crier de retourner travailler malgré mes 59 ans. Le superhéros en moi me dit « vas-y »… mais je crois que je vais lui clouer le bec à celui-là. Il a assez donné. ll est fatigué. Oui, j’ai pris ma retraite, avec moins que le salaire minimum, tant j’en avais marre !

On a trop longtemps fermé les yeux sur la valeur de ce personnel essentiel. Hier, nous étions presque invisibles, aujourd’hui, nous sommes les champions au grand cœur ?

La crise de la COVID-19 aura au moins eu le mérite de nous ouvrir les yeux sur la valeur de ce personnel indispensable dans les CHSLD.

Salaires stagnants (minables dans les CHSLD privés !), conditions de travail difficiles (physiquement et mentalement) et mépris sont là depuis toujours. Pas surprenant que plusieurs désertent leurs postes en temps de COVID-19. À un moment donné… c’est comme la goutte de trop.

Remarque, si on m’offre un salaire de plombier ou de chauffeur d’autobus, je suis prêt à reconsidérer ma décision : parce qu’après tout, j’ai du cœur, hein ?

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