Alors que tout le réseau de la santé se préparait à l’afflux de patients infectés de la COVID-19 dans les urgences et les hôpitaux, personne ne s’attendait à la catastrophe qui s’est produite dans les CHSLD.

Même les intervenants qui y travaillaient ont cru que les mesures d’isolement seraient suffisantes pour bloquer le coronavirus à l’entrée. C’était sans compter sur ce virus, un sprinter hors pair, traître et sournois.

On essaie bien sûr de déterminer ce qui a mal été, de trouver l’erreur, on blâme des gestionnaires, le manque de personnel chronique de ce réseau. Et c’est vrai qu’il y a un manque de personnel, trop peu d’infirmières et de préposés, trop peu de professionnels et de médecins pour s’occuper de cette clientèle.

On oublie cependant que les personnes âgées qui sont hébergées le sont pour des conditions de santé qui engendrent une grande perte d’autonomie physique ou cognitive, qui ont besoin de soins intimes, que l’on doit accompagner à la toilette et aider à s’essuyer, à qui on doit changer les couches, donner des soins de bouche, transférer du lit au fauteuil à une ou deux personnes, que l’on doit nourrir si elles ne sont plus capables de s’alimenter seules, que l’on doit habiller, que l’on doit mobiliser.

Des personnes qui ont des problèmes de santé chroniques avancés, mais aussi aigus, à qui il faut prendre la pression, la température, changer des pansements, faire des prélèvements, administrer des traitements parfois par inhalation, par voie intraveineuse, intramusculaire. Des personnes à qui on donne aussi de l’affection, que l’on serre dans nos bras, à qui on tient la main, dont on s’approche pour qu’ils nous entendent et nous voient, car ils sont souvent handicapés par la surdité et les problèmes de vision. Ce virus s’est lové dans ces contacts. En vérité, pour des soins humains en CHSLD, il faut dire adieu à la distanciation sociale ! Qui veut ou peut être soigné à 2 mètres de distance ?

Au-delà des facteurs universellement admis, à notre avis, c’est la nature même des soins prodigués en CHSLD qui est le grand vecteur de cette calamité. Et quand les gens tombent malades, que les besoins de soins de base et les besoins médicaux augmentent en flèche, il n’y a pas de personnel de réserve pour aller prêter main-forte et venir à la rescousse. 

Ajoutez à cela un virus qui se propage à la vitesse de l’éclair, la peur qui s’installe chez les soignants et le personnel qui ne se présente plus au travail.

Car oui, les soignants aussi ont des familles à protéger, et voir les patients se détériorer et mourir à ce rythme et à cette vitesse, cela sème la terreur et on veut se terrer chez soi.

On peut avancer les notions de valeur morale, la vocation, le sens du devoir et de la responsabilité, mais au même moment se vivent des sentiments d’abandon, de détresse, le déjà-vu que personne n’assurera la relève. Vient un moment où pour certains, cela suffit. Soignant, mais pas soldat, cela heurte, mais qui sommes-nous pour juger ?

Est-ce qu’il aurait fallu transférer les personnes âgées développant des symptômes de COVID-19 aux urgences ? Les urgences n’ont jamais été des lieux très accueillants ni protecteurs pour les personnes âgées vulnérables, et beaucoup d’entre elles ne souhaitent pas d’intervention visant à préserver la vie à tout prix. Plusieurs préfèrent mourir près de ceux qui s’occupent d’eux, dans leur milieu de vie.

Nous vivons une situation inouïe et inimaginable. Dans notre cœur et notre âme, la pensée qui nous taraude est que les personnes âgées des CHSLD, durant cette pandémie, ont donné leur vie pour que notre système de santé puisse survivre et pour sauver le plus grand nombre de personnes, nos plus jeunes, et notre avenir. Nous leur rendons hommage et nous les en remercions humblement.

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