Il est 13 h, le 31 mars 2020, le premier ministre du Québec nous annonce que d’ici trois à cinq jours, nous manquerons de matériel sanitaire suffisant pour couvrir nos besoins. Il en a parlé avec le premier ministre de l’Ontario et le premier ministre du Canada. Des mesures sont prises pour nous assurer que de nombreuses entreprises canadiennes transforment leur production pour répondre à nos besoins urgents. 

Maints pays font la même chose. Les craintes sanitaires, les ruptures des diverses chaînes d’approvisionnement et la perturbation sociale associée à la crise incitent les autorités gouvernementales à adopter dorénavant des mesures favorisant une plus grande autonomie.

Comme citoyens, nous nous inquiétons des procédés de production qui ne répondent pas à des normes équivalentes aux nôtres ; la salubrité et la traçabilité de nos aliments nous préoccupent davantage. 

Par ailleurs, alors que la crise entraîne 80 pays aux économies émergentes à demander l’aide du Fonds monétaire international et amène l’Organisation mondiale du commerce à prédire une chute de 40 % des exportations des fabricants nord-américains, nos manufacturiers, constructeurs et autres entrepreneurs comprennent que la fiabilité de leurs chaînes d’approvisionnement relève maintenant de la plus haute importance pour assurer leur production et rassurer leurs cocontractants. 

En réponse à ce tsunami viral, la promotion de l’achat local et la recherche de marchés fiables, tant pour s’approvisionner que pour exporter, deviennent des options privilégiées pour les consommateurs et les entrepreneurs.

Bien malin celui qui pourra prévoir avec certitude s’il s’agit d’un mouvement passager et à quel endroit se fixeront les nouvelles frontières du commerce. Ce qui est certain cependant, c’est que le rééquilibrage qui s’annonce devra tenir compte de deux freins incontournables à l’autonomie de production. 

D’abord, tout ne peut pas être produit localement, ce qui ne nous empêche pas d’être plus attentifs à la fiabilité de nos réseaux d’approvisionnement. Ensuite, tout ne peut pas être consommé localement ; dans le cas du Québec et de chacune des provinces, la réalité démographique pousse les entreprises à trouver leur rentabilité dans les autres marchés. Malgré la quête d’une plus grande autonomie économique, nous devons maintenir nos frontières ouvertes.

Jeu de base

La crise actuelle met à mal le commerce longue distance, c’est vrai. S’il semble excessif de parler de « démondialisation », il faut reconnaître la transformation en cours. Pour y faire face, il est approprié de tabler d’abord sur nos forces. Il faut revenir au jeu de base.

Un peu comme dans le cas du président de la République, Emmanuel Macron, qui souhaite augmenter la production en France et en Europe, les entrepreneurs et les consommateurs du Canada profiteraient du renforcement de nos marchés régionaux, provinciaux et canadien. 

L’initiative du Panier bleu du gouvernement du Québec s’inscrit dans cette démarche. Au sortir d’un confinement massif qui aura fait naître une nouvelle solidarité, nous voulons plus que jamais assurer notre base avant de nous projeter vers l’extérieur. Il ne faudra pas s’étonner que les Albertains, les Ontariens et tous les autres valorisent, comme les Québécois, ce qui est produit chez eux. Ils ont bien raison.

Cela dit, nous appartenons à un marché intérieur dont nous ne parlons que très rarement, mais qui aujourd’hui devient plus pertinent que jamais. Nous partageons des normes canadiennes qui satisfont nos inquiétudes de salubrité, et nos institutions communes peuvent mieux garantir la nécessaire traçabilité. Les entrepreneurs peuvent compter sur le marché canadien pour y trouver tant les partenaires privilégiés assurant la fiabilité de leur chaîne d’approvisionnement qu’un principal espace d’exportation.

Déjà, le Québec échange plus avec le Nouveau-Brunswick qu’avec la France et plus avec l’Ontario qu’avec l’Europe, et l’importance du marché canadien est équivalente pour chacune des autres provinces.

Devant la restructuration économique qui s’annonce, notre marché intérieur est une carte incontournable à jouer.

Si tout ne peut pas être produit localement et tout ne peut pas être consommé localement, il faut d’abord renforcer nos alliances les plus sûres – le marché canadien s’impose donc tant comme filet de sécurité que comme tremplin de développement. Il importe aujourd’hui de jeter un regard neuf sur notre partenariat économique canadien et de profiter de sa puissance pour outiller notre relance.

Nos gouvernements provinciaux et fédéral doivent élaborer une stratégie économique vigoureuse qui additionne nos forces. Avec les entrepreneurs de divers secteurs, les premiers ministres et leurs équipes économiques pourraient dresser de nouvelles passerelles facilitant le développement du marché canadien. 

Bien que le gouvernement fédéral devrait en être l’initiateur, il ne doit pas en être le seul acteur. Les marchés locaux et provinciaux doivent y trouver leur compte, et les gouvernements des provinces et des territoires auront à y participer pour assurer une plus grande adhésion.

Nos gouvernements ont uni leurs actions pour faire face à la crise sanitaire. Ils collaborent en matière de santé publique et partagent les mêmes orientations politiques pour soutenir la période d’hibernation économique. Nous souhaitons tous la sortie de la crise. Nous savons qu’elle sera graduelle et qu’elle comportera ses défis. Il est certainement permis d’espérer que nos gouvernants sauront travailler ensemble et avec la société civile pour dessiner notre avenir économique et social.

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